Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/57

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gneurie me fasse grâce : je jure de ne plus parler de ceci, de n’y plus penser. Votre Seigneurie tient ma vie en son pouvoir, un mot d’Elle peut me perdre.

— Tranquillisez-vous, mylord. Votre sincère repentir vous donne droit au pardon. Si vous ne retombez point dans une faute aussi grave, ici ou ailleurs, j’oublierai ce que je viens d’entendre. Mais bannissez vos soupçons criminels. Le prince est fils de ma sœur ; sa voix, sa physionomie ne me sont-elles point connues depuis sa naissance ? Vous vous demandez si la folie peut produire les terribles effets dont vous êtes témoin. Pourquoi pas ? Avez-vous oublié que le vieux baron Marley, devenu fou, ne se reconnaissait plus lui-même après soixante ans d’existence et se prenait pour un autre, qu’il se disait le fils de Marie-Madeleine, soutenait qu’il avait une tête en verre et ne souffrait point qu’on y touchât, de peur qu’un maladroit ne la lui cassât ? Chassez donc ces pensées coupables, mon cher lord. Le prince qui vient de sortir d’ici est bien le vrai prince ; qui le connaît mieux que moi ? Il sera bientôt notre maître. Souvenez-vous-en, mylord, et craignez que vos folles suppositions, si vous y persistiez jamais, ne tournent contre vous.

Lord Saint-John se répandit en protestations : il s’était manifestement laissé égarer par les apparences ; mais sa conviction était maintenant raffermie ; il croyait sincèrement, franchement, fermement à l’identité du prince. Lord Hertford, ému de son trouble, le rassura, lui promit le silence le plus absolu, et le congédia amicalement.

Alors l’oncle du prince s’abîma lui-même dans de profondes réflexions. Plus il pensait, plus il était