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Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/58

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anxieux. Les mains derrière le dos, la tête baissée, il arpentait le parquet.

— Saint-John est insensé, murmura-t-il en se parlant à lui-même. Il n’est pas possible qu’il ne soit pas le prince. Comment ! Il y aurait dans un même pays, dans une même ville, deux enfants du même âge, aussi exactement ressemblants, aussi égaux l’un à l’autre en toutes choses, plus égaux même que ne le seraient deux jumeaux ! Et en supposant qu’il en pût être ainsi, par quel miracle l’un d’eux aurait-il pris la place de l’autre, ici, dans ce palais, en plein jour, sous nos yeux ? Non, non, cela n’est pas, cela ne saurait être. Saint-John est insensé, halluciné !

Il s’était arrêté un moment et demeurait absorbé.

— Admettons, reprit-il, que nous ayons affaire à un imposteur, qu’il ait pris habilement le nom et les qualités du prince, cela s’est vu après tout, cela serait naturel, cela se comprendrait à la rigueur. Mais a-t-on jamais vu un imposteur qui, déclaré prince par le roi, déclaré prince par la cour, déclaré prince par tout le monde, soit venu dire : Non ! je ne suis pas le prince, et ai refusé de recevoir le serment d’allégeance ? Non ! par l’âme de saint Swithin, non ! Cela n’est pas possible ! Il est le prince, le vrai prince, mais, hélas ! il est fou !