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LES AVENTURES DE TOM SAWYER.


— Ça, c’est différent. Si loin de la ville ! Et il n’y avait pas une autre habitation à plusieurs lieues à la ronde.

— Poltron ! Personne ne te connaît dans la ville. Malgré mon déguisement, je cours plus de risques que toi. Bah ! qui diable songera à venir nous chercher ici ?

— Hum… tu n’étais pas si rassuré hier, lorsque ces satanés gamins, qui jouaient sur la colline juste en face de nous, avaient l’air de nous surveiller.

Les satanés gamins tremblèrent de nouveau en entendant ces paroles. Huck se félicita néanmoins de s’être souvenu que la veille était un vendredi et d’avoir ainsi ajourné sa visite ; il regretta seulement de ne l’avoir pas remise à l’année prochaine.

— Rassuré ou non, je suis décidé à tenter l’affaire, si elle paraît possible, et tu m’aideras, ou tu apprendras à tes dépens que je ne plaisante pas quand on me manque de parole. Je ne veux pas te retenir ici, car il vaut mieux ne pas être vus ensemble. Tu passeras de l’autre côté du Mississippi jusqu’à ce que j’aie besoin de toi. En attendant, je tâterai le terrain avant de risquer le coup dangereux. Sois tranquille ; je tiens à ma peau autant que tu peux tenir à la tienne et je n’agirai pas à la légère. Ensuite, en route pour le Texas ! Surtout ne t’avise pas de me brûler la politesse, à moins que tu n’aies envie de faire connaissance avec la lame de mon bowie-knife.

— Tonnerre ! répliqua l’autre, il me semble que j’ai le droit de donner mon avis. Je ne songe pas à te planter là.

— En tous cas, te voilà prévenu. Assez causé, je tombe de sommeil et c’est à ton tour de veiller.

Sur ce, Joe l’Indien s’allongea par terre et ne tarda pas à ronfler. Son camarade le regarda dormir d’un air de mauvaise humeur, bâilla à plusieurs reprises et au bout de quelques minutes un second ronflement se joignit au premier.