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UNE VIE BIEN REMPLIE

quand mon fils sera en âge, je serai contente de le voir partir faire ses deux ans, mais comme je suis pour la paix, si je voyais la guerre venir, j’aimerais mieux voir mon fils partir à l’étranger que de partir à la boucherie : qu’est-ce que l’on vient parler de lâcheté si l’on se dérobe ? Comment ! une mère aura mis ses soins, son amour à élever son fils, fait de son mieux pour lui préparer un nid et le voir à son tour à la tête d’un foyer, quand un jour des gouvernants, rois, empereurs ou présidents de républiques, qui pour sauvegarder des intérêts capitalistes auront déclaré la guerre, il faudra que des milliers d’hommes aillent se faire tuer ! La bravoure, qu’est-ce que cela aujourd’hui ? C’était bien barbare lorsque l’on se battait corps à corps ; mais, maintenant que sans seulement se voir, à des milliers de mètres, il suffit du geste souvent d’une brute, qui agit comme un automate sans voir, pour que des hommes soient massacrés par milliers. Y a-t-il là de la bravoure à se faire tuer comme des moutons ?

Je dis et je redis qu’en cas de guerre je préférerais voir mon fils quitter la France que de le voir partir à la mort ! Les socialistes, dit-on, de tous les pays, s’opposeront à la guerre. C’est bien. Mais ils ne seront pas assez nombreux, alors que si seulement il se trouvait 50.000 mères pour agir comme je dis, vous verriez que ce serait plus efficace. Pour ce qui est de l’athéisme, je n’en suis pas ; vous donnez certainement une raison peu réfutable quand vous dites : s’il y avait un Dieu, ce qui dit tout puissant, il serait le père des hommes. Comment alors n’a-t-il pas fait des êtres parfaits, capables de s’entendre, de vivre en paix et heureux le temps qu’ils passent sur la terre ; au lieu de cela, on ne voit que souffrance, que haine, que lutte pour l’existence ; un pareil père qui pouvait faire le bien et qui a fait le mal ne serait qu’un monstre ; certainement on ne peut réfuter la raison.

Pourtant, quand je contemple le ciel resplendissant d’étoiles, je dis sans plus de réflexion : « Mon Dieu, que c’est grand, que c’est beau ! » Il doit y avoir quelque chose au-dessus de nous, mais ma pauvre tête ne vas pas plus loin.

En politique, comme en droits civils, je voudrais les