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UNE VIE BIEN REMPLIE

préféra partir bien entendu. Pour marquer leur victoire, les habitants plantèrent une borne sur la place, et depuis cette époque, le jour de la fête du pays, filles et garçons, en dansant la farandole, mettent le pied sur cette pierre, cela en souvenir de leurs ancêtres, qui ont foulé aux pieds l’esclavage.

En ce moment, le soleil chauffe, c’est bon pour tout le monde, y compris les malades. Je suis allé aussi à Menton, serrer la main d’un ami, malade aussi, mais lui est jeune.

C’est dans ce pays que, d’après la légende, Eve et Adam vinrent se réfugier après avoir été mis à la porte du paradis pour avoir mangé le fruit défendu. Eve, qui avait apporté du paradis des pépins de citron, les planta ; ils vinrent tellement bien, qu’aujourd’hui, Menton récolte 40 millions de ces fruits.

Avant de quitter le littoral, j’ai voulu aussi aller, dans la même journée, jusqu’à Vintimille, ville frontière d’Italie ; c’est une petite ville sans charme ; par exemple, il y fait grand vent, à ce point qu’il m’a été impossible de monter à la vieille ville, située sur un rocher pointu ; la plupart des maisons ne sont plus habitées. Enfin, après avoir déjeuné près de la gare, dans un des meilleurs restaurants où les fourchettes étaient en fer battu, les couteaux avec des manches grossiers en bois, semblables aux couteaux de cuisine, je suis revenu à Menton me chauffer au soleil.

Malgré qu’il n’y a qu’une distance de quelques lieues, entre ces deux villes, c’est le jour et la nuit pour la température.

De retour d’Italie à pied, une chose qui frappe en entrant à Menton, c’est de voir sur le pont du torrent qui marque la limite des deux pays, du côté de Menton, c’est-à-dire en France, de nombreux orangers, citronniers et des fleurs jusque sur le bord du torrent, tandis que du côté italien, il n’y a rien, ni arbres, ni fleurs, c’est nu complètement.

Après avoir vu Menton, j’ai visité à nouveau Monte-Carlo, le jardin public est beau ; deux arbres sont curieux, ce sont deux caoutchoues, qui ont cinq pieds de tour, alors qu’à Paris on les élève dans des pots pour les mettre dans l’antichambre.

Monaco est toujours sur son rocher, avec ses boulets ronds et ses vieux canons braqués sur la mer. Le prince régnant n’a que 700 sujets, cependant il trouve moyen d’avoir un palais et soldats, autos, bateaux de plaisance ; ce qui fait le plus gros de ses revenus, c’est le palais de jeu de Monte-Carlo.

J’y suis retourné une autre fois, c’est toujours très intéressant ; du reste on ne va là que pour jouer et voir jouer, le palais de marbre est admirable et si bien décoré.

Ah certes ! quand on voit la foule qui se presse aux douze