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UNE VIE BIEN REMPLIE

XXXII


Malgré le climat plus sec de Nice, le mal n’avait pas lâché prise, Cadoret était des semaines entières, toussant et respirant à peine, sans une minute de sommeil. Cette terrible maladie se complique naturellement par des affections nerveuses de l’estomac et du cœur, des douleurs, de la faim même, de sorte que la vie n’est plus qu’une angoisse impossible à décrire ; aussi sentant sa fin proche, il voulut revenir aux Simons.

Voici la lettre qu’il écrivit à son ami après son retour.


Les Simons, 15 octobre 1911


Mon cher Savinien,


Comme tu le vois, je t’écris des Simons, où je suis depuis huit jours ; j’étais tellement fatigué du voyage que je n’ai pu aller te voir en passant à Paris, où après m’être reposé deux jours, je suis venu ici ; j’étais attendu par les braves gens et amis que sont Mage et sa femme.

Autrefois, je ne pensais pas pouvoir passer un hiver dans ce coin, charmant l’été, mais triste au possible l’hiver entre la petite rivière et la forêt, sans horizons ; mais les crises que j’ai eues depuis quelques mois, mon affaiblissement général, car je ne suis plus qu’une loque, il n’y a d’intacte que la pensée. Le désir m’a pris de venir finir mes jours dans ce petit pavillon que tu connais.

Il fait beau en ce moment ; je vais le long du ruisseau ; je m’amuse à regarder tomber les feuilles, je remarque que celles des vergnes s’enfonçent presque tout de suite, tandis que les feuilles de saules et d’accacias s’en vont très loin au fil de l’eau avant de tomber, ou s’ammoncellent dans une échancrure de la