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UNE VIE BIEN REMPLIE

un bruit mystérieux, un frémissement de vie, c’est la nature qui s’éveille.

En septembre, voyez les oiseaux que vous avez vus au printemps, si bruyants, si affairés ; ils volent maintenant sans hâte et semblent être comme les hommes à l’approche de l’hiver, préoccupés de savoir s’ils auront un abri pour eux et leur famille contre le froid, et s’ils auront le grain de mil pour ne pas mourir de faim.

En septembre, la forêt est plus calme et plus majestueuse qu’au printemps.

Voici un beau chêne, moins renommé sans doute que les doyens de Fontainebleau, mais plus vigoureux parce que moins vieux.

En voici un autre plus petit, mais droit comme un sapin ; la première branche est à environ huit mètres du sol. Qu’est-ce que c’est que cette énorme touffe de feuilles sèches et de mousse qui repose sur cette branche près du trone ? Un coup de canne frappé contre l’arbre nous le fait voir : deux jolies petites bêtes sortent de ce nid, car c’est un nid d’écureuils, et grimpent gracieusement sur les branches supérieures en faisant miroiter au soleil qui filtre à travers les branches, le panache orgueilleux de leur queue. Je pense avec tristesse que l’on fait la chasse à ces gentils petits animaux pour les manger ; on en voit aux étalages des marchands de comestibles de Paris. Va-t-on avoir la sottise de détruire ce qui anime les bois et leur donne une vie active ? Déjà, dans les plaines, on a détruit les alouettes. Un petit artisan, d’un village près de Blois, disait dernièrement devant moi que, pour sa part, dans une matinée, avec des lacets de crin posés où il avait balayé la neige, il en avait pris 96 douzaines.

Il y a cinquante ans, le promeneur était intéressé et charmé de voir, en avril, au dessus des blés, s’élever tout droit dans le ciel, une multitude de ces charmants oiseaux ; leurs chants d’allégresse était un ravissement ; aujourd’hui, à la même époque, la plaine est silencieuse ; les alouettes y sont très rares. Autour des habitations, les chardonnerets ont aussi disparu ; jusqu’aux rossignols que de pauvres ignorants détruisent, disant qu’ils mangent leurs abeilles. Il faut que l’homme tue : quelle tristesse !

Les pouvoirs publics pourraient pourtant empêcher le mal :