Aller au contenu

Page:Une Vie bien remplie (A. Corsin,1913).djvu/84

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
80
UNE VIE BIEN REMPLIE

XVII


Un fait très important à retenir dans cette même année 1869, c’est l’apparition du journal Le Rappel, fondé par des hommes qui avaient été des adversaires redoutables de l’Empire : Victor Hugo, Meurice, Vacquerie, etc.

Ces hommes célèbres, connus et aimés du peuple, devaient remuer les masses et appeler son attention sur la situation des gouvernants et des gouvernés. Aussi à la déclaration de guerre, en juillet 1870, sans qu’il y eut de ligues ni sociétés politiques, un fort courant se manifesta dans le public en faveur de la paix. En face des groupes, que l’on désignait alors sous le nom des « blouses blanches » et qui étaient des mouchards payés, suivis de la foule des petits marmitons et tous ces gens criaient : « À Berlin ! À Berlin ! », d’autres groupes se formèrent spontanément et chantaient : « Les peuples sont pour nous des frères et les tyrans des ennemis ! »

Je me joignis à un de ces derniers groupes, à la place du Château-d’Eau, car j’étais pour la paix contre la guerre ; ce groupe fut malmené boulevard Bonne-Nouvelle et dispersé par les sergents de ville boulevard des Italiens, alors que les blouses blanches étaient laissés bien tranquilles. Pour la première fois que je me mêlais à une action politique en vue d’une idée humanitaire, je reçus, des agents, de rudes coups sur le corps ; je m’en ressentis plusieurs jours ; ce n’était pas le moyen de me faire aimer le gouvernement.

Mon frère cadet m’ayant exempté, je ne fus pas appelé à la mobilisation ; je restai à Paris pendant le siège, où je souffris énormément de la faim. Avant que les barrières ne soient fermées, j’aurais pu faire quelques provisions ; je ne le fis pas pour deux raisons d’abord, ne pas montrer que j’avais peur, ensuite, il me semblait que si les Prussiens venaient assiéger Paris, ils seraient aussitôt anéantis par l’armée et la population ; je travaillais à la défense na-