Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/187

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épisodes du martyre de sainte Euphémie ; et, comme pour mieux rattacher l’art nouveau à l’art antique, et sa pieuse ecphrasis aux descriptions profanes, il compare l’expression complexe d’Euphémie, à la fois remarquable par la pudeur et le courage, au mélange de compassion et de fureur que les écrivains anciens ont si souvent admiré dans la Médée de Timomaque[1].

L’ecphrasis devint aussi un des ornements habituels du roman. Dans la biographie d’Apollonius de Tyane, qui est un roman philosophique et moral, d’ailleurs d’un intérêt très élevé en bien des endroits, Philostrate insère les descriptions d’une statue de Milon de Crotone et des bas-reliefs du temple de Taxile sans compter les nombreuses allusions à des œuvres célèbres et des dissertations sur l’objet et les procédés de l’art en général[2]. Longus, dans le roman de Daphnis et Chloé, prétend n’avoir fait autre chose que raconter en quatre livres le sujet d’une peinture, qui était exposée, à Lesbos, au milieu d’un bois consacré aux Nymphes[3]. Dans le verger de Lamon était un temple de Dionysos, décoré de peintures qui représentaient les aventures du dieu : « Sémélé qui accouchait, Ariadne qui dormait, Lycurgue lié, Penthée déchirée, les Indiens vaincus, les Tyrrhéniens changés en Dauphins, partout des Satyres gaiement occupés aux pressoirs et à la vendange, partout des Bacchantes menant des danses. Pan n’y était point oublié, ains était assis sur une roche, jouant de sa flüte, en manière qu’il semblait qu’il jouât une note commune et aux Bacchantes qui dansaient et aux Satyres qui foulaient la vendange[4]. » Achille Tatius commence son récit des amours de Clésiphon et Leucippe

  1. Hom. XI ; Bayet, ibid., 63 et 64. Cf., p. 37. M. Bayet loue avec raison la description d’Astérius ; il ajoute que l’évêque est un connaisseur délicat ; c’est peut-être aller bien loin. Astérius prétend que dans la Médée des anciens peintres un œil exprimait la fureur et l’autre trahissait la mère prête à épargner et prenant en horreur un tel crime. Est-ce bien là la réflexion d’un connaisseur ! un sophiste ignorant n’eùt pas trouvé mieux. Si Philostrate contenait un trait semblable, comme on s’en autoriserait pour contester l’authenticité du tableau !
  2. V. A. IV, 28 ; II, 20 ; II, 22.
  3. Longus, préf.
  4. IV, init. traduct. Courier.