Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/190

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de jeunes filles et de vieilles femmes ; entre ces dernières, deux femmes, d’une stature plus qu’humaine, aussi âgées que le monde, l’une blanche et l’autre noire, représentaient l’Achaïe et l’Ethiopie ; les oiseaux et les poissons, le lion et des animaux de toute espèce étaient rangés humblement autour du char, comme des compagnons de servitude ; dans une autre partie de la peinture, l’artiste avait représenté les douze mois de l’année ; on voyait un soldat armé de pied en cap, c’était Mars ; un berger jouant de la flûte, à côté d’une brebis qui mettait bas, c’était Avril ; un jeune homme couronné de fleurs au milieu d’un pré fleuri, c’était Mai ; Juin, Juillet et Août étaient figurés par un paysan en train de faner, par un moissonneur, par un homme sortant du bain et buvant ; puis venaient un vendangeur, un oiseleur, un laboureur conduisant la charrue, pour rappeler les trois mois de l’automne ; aux mois d’hiver répondaient la représentation des semailles, d’un jeune homme portant un lièvre et caressant ses chiens, d’un vieillard assis près du foyer[1]. Ailleurs l’auteur nous parle d’une Diane merveilleuse, en or, dont les pieds plongaient dans une source et qui menaçait de son arc et de ses flèches, les baigneuses assez osées pour soutenir faussement qu’elles étaient vierges[2].

Une observation à faire sur presque tous ces ouvrages, discours, traités et romans, c’est que le lien qui rattache l’ecphrasis au sujet principal est extrêmement lâche. Nous n’en citerons que quelques exemples. Pourquoi Lucien décrit-il le Mariage d’Alexandre ? Faisant l’éloge d’Hérodote, il rappelle que le grand historien lut devant les Grecs assemblés les pre-

  1. Eumathe, IV, 4 à 19.
  2. Eumathe, VIII, 7. — L’usage de ces descriptions se retrouve dans les romans écrits au XVIe et au XVIIe siècle. « Zaïde, dit Sainte-Benve, dans le portrait de madame de la Fayette, tient en quelque sorte le milieu entre l’Astrée et les romans de l’abbé Prévost, et fait la chaîne de l’un aux autres. Les amants malheureux quittent la cour pour des déserts horribles où ils ne manquent de rien ; ils passent les après-dinées dans les bois, content aux rochers leur martyre et ils rentrent dans les galeries de leurs maisons où se voient toutes sortes de peintures. » La chaîne, comme on voit, remonte jusqu’aux romans grecs.