Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/191

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mières pages de son récit et que ce fut là l’origine de sa gloire littéraire ; à ce propos, une anecdote lui revient en mémoire sur le peintre Aétion qui, lui aussi, avait porté son œuvre, son tableau du Mariage d’Alexandre, aux jeux Olympiques et qu’un hellanodice, saisi d’admiration pour un talent si remarquable, avait choisi pour gendre. Était-il bien utile de décrire la peinture elle-même ? non sans doute : mais l’ecphrasis offrait la matière d’un hors-d’œuvre trop brillant pour être rejeté par le sophiste. Dans le roman de Clitophon et Leucippe, pourquoi Achille Tatius nous raconte-t-il, d’après un tableau, la délivrance de Prométhée et d’Andromède ? parce que Leucippe sera délivrée, elle aussi, de tout danger ; d’ailleurs sa situation n’a aucun rapport avec celle d’Andromède ou de Prométhée, et les moyens auxquels elle devra son salut n’ont rien de commun avec ceux qu’emploient Héraclès ou Persée. Leucippe est aussi belle qu’Europe ; c’est la seule raison pour laquelle Achille Tatius décrit un tableau qui représente Europe enlevée par le taureau. Dans un roman pastoral, que vient faire le récit des criminelles et sanglantes amours de Térée ? c’est que Leucippe est menacée d’être enlevée par les pirates. La peinture renferme un avertissement que les compagnons de Leucippe savent entendre et qui la préserve, pour ce jour là. L’ecphrasis est donc, comme on le voit, presque cultivée pour elle-même, dans ces sortes d’écrits ; on comprend aisément qu’elle ait conquis vite son indépendance, et qu’après avoir servi d’ornement à tous les genres, elle soit devenue un genre à son tour. Parmi les auteurs qui firent fleurir l’ecphrasis, l’antiquité nomme Nicostrate, rhéteur macédonien que ses contemporains mettaient sur le même rang que les dix orateurs classiques ; Pamphile qui écrivit en vers ses images et fut sans doute un Alexandrin[1] ; nous avons conservé les descriptions de Philostrate l’Ancien ; de Philostrate le Jeune ; celles de Callistrate et de Marcus Eugéuicus[2] ;

  1. Cf. Matz, De Philostr. fide, P. 8.
  2. Les descriptions de Marcus Eugénicus (au nombre de 6) paraissent avoir été