Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/193

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ou plutôt l’art imite plus faiblement que le discours[1]. » Lucien paraît avoir été d’un avis analogue : dans les Portraits, il emprunte aux statues et aux peintures les plus célèbres ce qu’elles avaient de plus parfait pour en composer un type idéal de beauté. « Tu as raison, dit un des personnages : à l’éloquence de mettre la main à l’œuvre et de montrer son talent. Je suis curieux de savoir l’emploi qu’elle fera de toutes ces perfections et comment d’une foule de beautés elle en composera une seule dont toutes les parties seront d’accord[2]. » Voilà déjà une supériorité de la parole sur l’art ; c’est elle et non l’art qui peut faire le portrait de la beauté irréprochable. Après avoir emprunté divers détails à Phidias, Alcamène et Praxitèle, à Polygnote, Euphranor, Apelle et Aétion, Lucien ajoute : « Mais faisons mieux ; prenons le plus habile des peintres, Homère qui ne le cède ni à Euphranor ni à Apelle et demandons-lui le coloris qu’il a répandu sur les cuisses de Ménélas, quand il les a comparées à un ivoire légèrement teint de pourpre ; il colorera ainsi tout notre tableau ; c’est encore lui qui peindra les yeux de notre belle et les fera à fleur de tête. Le poète de Thèbes, mettant aussi la main à l’œuvre, lui donnera des paupières couleur de violette ; puis Homère représentera son doux sourire, ses bras blancs et ses doigts de rose ; en un mot, il la rendra semblable à sa Vénus d’or, avec plus de jeunesse encore que la fille de Briséis. » Ainsi, selon Lucien, les meilleurs peintres sont encore les poètes ; de là, à croire que les sophistes peuvent rivaliser avec la peinture, il n’y a pas loin. Dans l’écrit intitulé « Sur un appartement », Lucien affecte d’abord une modestie qui ne tarde pas à se démentir ; après avoir dit que si ses paroles ne sont pas belles par elles-mêmes, elles paraîtront du moins ornées de la beauté de l’appartement qu’il décrit[3],

  1. Ecl. XXV, ὅσα γραφεῖς, καὶ λόγοι δύνανται μᾶλλον δὲ μικροτέρα μίμησις πᾶσα πρὸς λόγους. Cf. eccl. XIII, Φέρε δὴ γράψω τῷ λόγῳ τὸν πίνακα· ἔχει γὰρ οἶμαι πρὸς μιμησιν οἰκεῖα λόγος φάρμακα..
  2. Imag., 5, trad. Talbot.
  3. Sur un appartement, 13.