Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/216

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légende. L’Héphæstos d’Euphranor ne boitait pas ; l’Héphæstos des œuvres d’art qui nous sont restées n’égaierait pas de sa difformité, comme dans Homère, le festin des dieux : il est comparable aux plus beaux, aux plus parfaits d’entre eux.

Philostrate qui nous explique pourquoi le fleuve n’a pas les cheveux longs et pourquoi Héphæstos ne boite pas, ne nous apprend pas pourquoi le feu n’avait point son aspect accoutumé ; c’était un feu divin, disent les commentateurs, un feu d’une nature plus éthérée que le feu qui sert aux besoins des hommes. Cette explication, qui attribue au peintre une idée ingénieuse, est sans doute exacte ; car Philostrate, en remarquant que ce détail n’est point pris à Homère, veut sans doute féliciter le peintre d’une heureuse invention. L’auteur de la miniature déjà citée a été moins raffiné ; la flamme qui tombe des torches d’Héphæstos est du rouge le plus vif. Peut-être aussi l’artiste avait-il donné à la flamme une couleur d’un blond doré, comme se prêtant mieux à l’harmonie générale des teintes de son tableau[1].


II. Cômos.


Cômos, ce génie qui préside aux promenades nocturnes des joyeux convives, se tient sur le seuil d’une chambre aux portes dorées ; dorées elles me semblent en effet, bien que l’œil soit lent à les discerner dans l’ombre de la nuit. La nuit n’est point personnifiée, mais elle se reconnaît à ses effets. Le vestibule, digne d’un temple, atteste l’opulence des jeunes mariés, qui reposent sur la couche nuptiale. Cômos est venu, dieu jeune, vers des jeunes gens ; il a encore toutes les grâces tendres de l’enfance ; les fumées du vin ont coloré son visage ; debout, il cède cependant au sommeil de l’ivresse ; oui, il dort la tête penchée sur la poitrine ; la main gauche posée sur un épieu qu’elle croit tenir se détend et s’abandonne, comme il arrive quand les premières caresses du sommeil engourdissent notre mémoire et notre esprit ; le flambeau que tient la main droite semble aussi échapper, par l’effet de la même cause, à ses doigts alanguis. Craignant que le feu n’approche de sa jambe, Cômos porte la cuisse gauche sur la droite et son flambeau du côté gauche, de manière à écarter la main et la flamme du genou qui fait saillie. Les peintres doivent traiter avec soin la figure des personnages qui ont

  1. Outre la miniature dont nous avons parlé et qui est reproduite dans Inghirami (Galeria Omerica, II, tav. 155), on voit sur une urne de Volterra le Scamandre rejetant loin de lui les cadavres qui gênent son cours, et sur la margelle d’un puits le Scamandre près des portes de Scées. Ces deux monuments sont reproduits dans le même ouvrage (II, 155 et 200).