Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/217

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toute la vivacité de la jeunesse, s’ils ne veulent pas que leurs peintures soient mornes, comme le visage d’un aveugle ; mais pour Cômos, dont la tête penchée projette une ombre sur les traits, la figure a peu d’importance. L’artiste, j’imagine, recommande ainsi à ceux qui ont l’âge de Cômos, de ne pas fêter le dieu sans prendre le masque. Le reste du corps atteste une observation minutieuse de tous les détails, et le flambeau qui enveloppe le dieu de sa lumière fait ressortir toutes ses perfections. Admirons aussi la couronne de roses, non pour être fidèlement peinte, car représenter les fleurs avec des couleurs, avec le rouge ou le bleu, suivant le besoin, ce n’est point là un grand mérite, mais ce qu’il faut louer, c’est combien la couronne semble souple et délicate, c’est aussi combien les roses semblent fraîches ; j’ose le dire, elles ont le parfum de vraies roses. Après avoir parlé de Cômos, il nous reste à parler de ceux qui le célèbrent. N’entends-tu pas les crotales, les sons de la flûte, un murmure confus ? Des flambeaux, épars çà et là, permettent à nos joyeux compagnons de voir devant eux et à nous de les voir. C’est une foule variée et remuante d’hommes et de femmes, chaussés sans distinction de sexe, vêtus d’une façon extraordinaire, car Cômos permet à la femme de se donner les airs d’un homme et à l’homme de revêtir la robe des femmes, de prendre une démarche féminine. Mais les couronnes de fleurs n’ont plus leur premier éclat, c’est que, pour ne point les perdre en courant, ils les ont tous fixées à leur tête : or la fleur, jalouse de sa liberté, craint le contact de la main qui la flétrit avant le temps. Enfin le peintre a encore représenté le battement des mains qui plait surtout à Cômos ; la main droite frappe avec les doigts repliés dans la paume de la main gauche, et toutes les mains s’entre-choquant à la manière des cymbales, rendent le même son.


COMMENTAIRE.


Dans le Banquet de Platon, après le discours de Socrate, les convives entendirent frapper à coups redoublés aux portes de la maison. On crut que c’élaient de jeunes débauchés qui couraient la ville, accompagnés d’une joueuse de flûte.

« Esclaves, s’écria Agathon, hâtez-vous d’aller voir ce que c’est : si ce sont des amis qui se présentent, priez-les d’entrer ; si ce sont des inconnus, dites-leur que nous ne buvons plus et même que nous sommes déjà endormis. »