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pieds munis de sabots ou de griffes. Ces sortes de combinaisons sont familières à l’art antique ; il suffira de rappeler les Centaures, le dieu Pan qui a le visage d’un homme et des pieds de chèvre, les Faunes avec leurs oreilles pointues et leurs cornes à l’état de bourgeon, telle tête de Jupiter Sérapis ou d’Alexandre avec les cornes de bélier. Welcker suppose en outre que l’artiste a pu revêtir les mythes de peaux de bète ; dans les plus anciens monuments, dit-il, où Hercule et d’autres héros sont coiffés d’une tête de loup ou de lion, sont affublés de dépouilles à queue pendante par derrière, on distingue mal entre la bête et l’homme, tant le corps et le vêtement étroitement unis ne font qu’un tout. Le texte de Philostrate qui parle de la fusion de deux corps en un ne nous permet guère de penser à un pareil artifice. En résumé, figure humaine, et appendices ou membres inférieurs empruntés à la faune, voilà sous quelle forme nous devons concevoir, ce semble, les Mythes de Philostrate.



IV

Ménœcée.


Cette ville assiégée est Thèbes, car le mur a sept portes ; cette armée est celle de Polynice, fils d’Œdipe, car elle est divisée en sept corps. Ce chef qui s’approche du camp, c’est Amphiaraos ; il a l’air découragé d’un homme qui pressent une cruelle catastrophe. Les chefs de corps sont également effrayés ; aussi lèvent-ils les mains vers le ciel. Capanée contemple avec mépris les murailles et les créneaux, car il compte sur les échelles pour l’escalade. Les défenseurs du rempart n’envoient pas de traits ; les Thébains craignent d’engager la lutte. Admirons ici l’art ingénieux du peintre : des hommes armés qui enveloppent la ville, les uns nous apparaissent tout entiers, les autres ont les jambes cachées, ceux-ci n’ont de visible que la moitié du corps, ceux-là la poitrine, puis les têtes seules émergent, puis les casques seuls, puis les pointes des lances. C’est un effet de perspective, mon enfant ; à mesure que l’œil s’enfonce dans le tableau, les rangs d’hommes doivent se masquer de plus en plus les uns les autres. Les prédictions ne manquent pas non plus à Thèbes. Tirésias profère un oracle qui condamne Ménœcée, le fils de Créon, à périr dans le repaire d’un dragon, s’il veut sauver sa patrie. Et voilà Ménœcée qui meurt, à l’insu de son père : son âge le rend digne de pitié, mais c’est être heureux que d’avoir un tel courage. Considère en effet la peinture, ce n’est point un jeune homme au teint délicat, aux traits efféminés ; il est plein de vie ; fortifié par la palestre, il a cette belle carnation d’un brun doré qui plait au fils d’Ariston ; la poitrine offre des muscles saillants, les hanches, les fesses, les cuisses sont bien proportionnées. Les épaules annoncent de la force, le cou est sans raideur,