Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/234

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son harmonieux. Les belles corbeilles dans lesquelles ils déposent les pommes ! Que de sardoines, que d’émeraudes, que de perles véritables s’y montrent enchâssées, C’est l’ouvrage d’Héphæstos, n’en doutez point ; mais d’échelles de sa façon pour monter sur les arbres, point n’est besoin, ils prennent leur vol et atteignent les pommes d’emblée. Pour ne point parler de ceux qui dansent en chœur, qui courent, qui dorment ou qui mordent dans les pommes à belles et joyeuses dents, considérons à quel genre d’amusement se livrent ceux-ci. Ces quatre amours, les plus beaux de tous, se sont séparés de leurs compagnons ; deux d’entre eux se lancent une pomme l’un à l’autre, les deux autres se renvoient une flèche de la même façon ; d’ailleurs la menace n’est point sur leur visage, chacun d’eux tend sa poitrine, pour recevoir là, non ailleurs, le trait de son adversaire. C’est une belle allégorie ; vois, si je comprends bien le peintre. Amitié et tendresse mutuelle, voilà le mot de l’énigme. Ceux qui jouent avec la pomme en sont aux débuts du désir ; aussi l’un lance une pomme après l’avoir baisée, et l’autre étend les mains pour la recevoir ; on voit clairement qu’il la baisera une fois reçue, et la renverra à son camarade. Quant à notre paire d’archers, liés par un amour déjà ancien, ils travaillent à le fortifier. Oui, les deux premiers jouent pour aider un amour naissant, les autres manient l’arc pour que le désir ne meure point en eux. Ces autres amours qu’entourent un grand nombre de spectateurs, en sont venus aux prises dans l’emportement de la colère, on dirait des lutteurs. Je vais t’expliquer cette lutte, puisque tu le désires vivement. L’un d’eux, voltigeant autour de son adversaire, l’a saisi par les épaules ; il le serre à l’étouffer, il l’enlace de ses jambes ; l’autre, loin de se rendre, loin de fléchir, se dresse avec effort, desserre la main qui l’étreint, il a tordu un des doigts, si bien que les autres se trouvent isolés et forcés de lâcher prise. L’amour ainsi torturé éprouve une vive douleur et mord l’oreille de son adversaire ; les amours qui le regardent s’irritent d’un procédé si injuste, d’une telle violation des lois de la lutte, et lapident le malheureux à coups de pommes. J’aperçois aussi un lièvre qu’il ne faut point laisser nous échapper ; chassons-le en compagnie des amours. Il était blotti sous les pommiers et se régalait des fruits tombés à terre (plusieurs sont restés là, à demi rongés) ; mais voilà nos amours qui le poursuivent, qui l’effraient, l’un par des battements de mains, l’un par des cris perçants, l’autre en agitant sa chlamyde ; les uns volent au delà de la bête, en poussant des cris ; les autres courent après lui, le suivant à la piste. En voici un qui a pris son élan pour se précipiter sur la proie, mais l’animal s’est dérobé ; un autre veut