Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/235

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mettre la main sur la patte du lièvre ; mais à peine l’a-t-il saisie qu’elle lui échappe ; aussi de rire tombant les uns sur le flanc, les autres la tête verse, tous de différentes manières, suivant qu’ils ont manqué la bête d’une façon ou d’une autre. Aucun ne lance une flèche : ils s’efforcent de prendre le lièvre vivant comme l’offrande la plus agréable à la déesse Aphrodite. Tu sais en effet que le lièvre passe pour avoir reçu d’Aphrodite la plupart de ses instincts ; on dit que la femelle pendant qu’elle allaite ses petits devient mère de nouveau, qu’elle nourrit la nouvelle portée avec le lait de la première, puis qu’elle conçoit encore et qu’en aucun temps elle ne cesse d’être pleine ; quant au mâle, non seulement il féconde la femelle, ce qui est dans son rôle de mâle, mais il conçoit lui-même, ce qui est contre nature. Aussi les amoureux sans délicatesse, persuadés qu’il y a en cet animal quelque vertu persuasive, favorable à l’amour, s’en servent pour faire violence à l’objet de leur tendresse. Mais laissons ce procédé aux hommes sans loyauté, indignes d’inspirer l’amour, et tourne les yeux vers Aphrodite. Où est-elle ? en quelle partie du verger ? Tu vois là-bas cette grotte creusée dans le rocher, de laquelle s’échappe, reflétant l’azur sombre du ciel et le vert des pommiers, une source d’eau limpide qui se divise en canaux pour arroser le verger ? Sois certain qu’il y a là une statue d’Aphrodite parée, j’imagine, par les Nymphes, pour la remercier de les avoir rendues mères des Amours, mères de si beaux enfants. Quant à ce miroir d’argent, à cette riche sandale dorée, à ces agrafes d’or, ce sont toutes offrandes parlantes ; elles me disent qu’elles sont consacrées à Aphrodite ; cela est écrit d’ailleurs et nous lisons que ces dons viennent des Nymphes. Les Amours de leur côté offrent les prémices des pommes, et debout en cercle ils demandent dans leur prière que leur verger soit toujours aussi beau.



Commentaire.

Ce tableau a été l’objet d’une critique ingénieuse[1]. Les Amours, a-t-on remarqué, nous y sont présentés tantôt comme des êtres allégoriques, tantôt comme des enfants aimables qui s’amusent pour leur propre compte. Danser, courir, folâtrer, ce sont là des actions qui nous intéressent par elles-mêmes et qui n’ont rien de symbolique ; au nombre de ces actions, on peut compter celle de cueillir des pommes et celle de courir après un lièvre, malgré l’interprétation de Philostrate. Si le peintre s’était contenté de repré-

  1. Friederichs, Die Phil. B., p. 160.