Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/239

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d’Herculanum, nous retrouvons comme un fragment du lableau décrit par Philostrate ; un lièvre broute sous un arbre ; un Amour s’avance doucement, une main sur la poitrine comme pour retenir son souffle, l’autre relevée et prête à s’abattre sur la proie (1). On pourrait ne voir là qu’un des mille jeux, prêtés aux Amours par la fantaisie des artistes, sans aucune espèce d’intention allégorique. Des peintures de vases nous présentent des éphèbes qui reçoivent un lièvre des mains de leur amant (2). Ici il n’est plus permis de douter : nous avons devant les yeux les amants dont parle Philostrate, à cela près que le peintre n’a pas voulu nous les donner comme des hommes sans délicatesse, mais bien nous faire simplement connaître leurs inten- tions. Il nous reste encore une question à nous poser : pourquoi le lièvre de Philostrate, en dépit de l’histoire naturelle, ronge-t-il des pommes sous son arbre ? Nous répondrons que le lièvre de Philostrate, qui est androgyne, qui a portée sur portée, ne saurait être un lièvre ordinaire broutant le thym et le serpolet. Aucun monument, que nous sachions, ne donne au lièvre une pareille nourriture. Un seul document, c’est trop peu pour que nous puis- sions conclure plutôt à une allégorie nouvelle qu’à une bizarrerie de l’ar- liste (3).

Si la pomme et le lièvre nous ont paru mériler une explication, nous ne dirons rien des vifrandes des Nymphes, sinon qu’elles paraissent choisies selon les usages de l’antiquité et le caractère mème de la déesse. Nous n’a vons pas besoin de savoir que Laïs offrit son miroir à Aphrodite pour com- prendre la présence du miroir dans le tableau de Philostrate (4). Mais ce qui peut nous étonner davantage, c’est de voir que l’offrande est accompagnée, dans la peinture même, d’une inscription. Cette inscription, dit un commen- tateur, ne ressemblait point à celles que les anciens peintres plaçaient dans leurs lableaux ; elle se composait de lettres mal formées, de vestiges de lettres, et cependant, ajoute-t-il, cela même n’était pas nécessaire. Jacobs nous paraît méconnaître ici un usage de l’antiquité : une inscription accom- pagnail presque toujours les offrandes faites à un dieu ; en comparant le texte de Philostrate et les inscriptions volives qui nous sont parvenues, on peut assurer qu’en lisait distinctement, dans le tableau, sur la porte du



Gypt., Gal. myth., p. 3. Voir aussi une médaille de Cyzique, expliquée par Panofka (Monum. ined. del Inst, LVII, 13, 5 ; Ann., V, 212).

() Roux, Hereul. et Pomp., V, pl. 21.

(2) De Witte, Cat. Durand, n° 665. Sur un vase de la collect. Pourtalès, un homme barbu tient un lièvre, près de lui est son éromène Trés. de N., ihid.).

(3) M. Ch. Lenormant propose une explication (Présor de Numism. et de Gl., Gal. myth. p. 35). Le lièvre, en sa qualité d’androgyne, est le symbole du)6yos, la parole, le verbe de Jupiter qui crée le monde par sa propre fécondité, de là le nom de 2ayée. Or p#ov, la pomme, a du rapport avec pé)o ;, un son agréable, mot qui lui-même peut rappeler le }6yac, le son par excellence. Nous nous garderons de recourir à une conjecture aussi invraisemblable, pour justifier un ancien d’une invraisemblance eu fait d’histoire naturelle,

(4) Plat., Epist., VII ; Jul. Aeg. Ep., IL, 1V, V ; Voir aussi Callim. Hymn. in Pall, 20. Plut. De ln Fortune des Romains.