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sanctuaire : « les Nymphes à Aphrodite »[1]. Le peintre avait reproduit ces mots, non pas tant pour instruire le spectateur, que pour être exact ; loin de nuire à l’illusion, comme toute inscription parasite, celle-ci y contribuait ; elle était donc nécessaire : du moins elle n’était pas vaine[2].

M. Gruyer dans sa belle étude sur Raphaël et l’Antiquité a déjà rapproché de la description de Philostrate une composition du Sanzio qui devait être exécutée pour les fresques de la Villa Madame. Nous avons fait reproduire cette composition d’après un dessin anciennement attribué à Raphaël lui-même et à ce titre conservé au Louvre parmi les dessins du maître, bien que la critique moderne ne le reconnaisse pas pour authentique et penche à le regarder plutôt comme l’œuvre de Jules Romain. Raphaël n’a pas complètement restitué le tableau antique ; il n’a guère fait que lui emprunter deux épisodes, la lutte et la poursuite du lièvre. Encore a-t-il modifié le sentiment et le sujet lui-même. Toute allégorie a disparu : ce sont des enfants qui jouent entre eux ; rien de plus. Les deux petits lutteurs s’enlacent de leurs bras ; l’un soulève l’autre ; il n’y a ni violence ni violation des lois de la lutte. Si des Amours s’apprêtent à lapider le groupe avec des pommes, on comprend, à leur sourire, que c’est un jeu de plus, non un châtiment. Le second groupe nous montre presque toutes les attitudes décrites par Philostrate ; des Amours effraient le lièvre en battant des mains ; celui-ci a volé au delà de la bête pour la recevoir si elle échappe ; ceux-ci sont tombés en différentes postures, mais ils tiennent le lièvre qui dans Philostrate n’est pas encore pris. Rien de plus naïf que toutes ces attitudes ; rien de plus clair pour l’œil que toute cette ordonnance ; on reconnaît partout le goût, l’habileté suprême du grand artiste, et cette originalité qui ne l’abandonne même pas quand il s’inspire d’autrui. Il nous semble que plus d’une description de Philostrate se prêterait de même à une restitution où le sentiment moderne s’allierait heureusement à la conception antique.



VII

Memnon.


Cette armée est celle de Memnon ; les soldats ont laissé leurs armes pour exposer et pleurer le plus grand d’entre eux, atteint en pleine poitrine par une lance, le fameux frêne d’Achille, je suppose. En effet,

  1. Καὶ νυμφῶν δῶρα εἶναι λέγεται, porte le texte de Philostrate. L’inscription était sans doute ainsi conçue : Ἀφροδίτῃ Νυμφαί.
  2. Ottf. Muller dans le Manuel d’archéol. (trad. Nicard, $ 397, 5) fait une longue énumération des monuments qui représentent les jeux des amours. Nous y renvoyons le lecteur. Pour les Amours vendangeurs, voir au Louvre les nos 352, 353 du Catalogue Frôhner, Bouillon, III, 46, G. Giust. II, 128 ; Zoega Bassiril. ant. 90. Voir aussi dans l’Archäolog. Zeitung, 1819, v. Heft, et pl. XIII, la reproduction d’un groupe en marbre découvert, il y a environ une dizaine d’années. L’auteur de l’article (p. 110) rapproche de ce groupe quelques monuments analogues.