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un éclat verdâtre ; on dirait, Zeus me soit témoin, on dirait des dauphins. Dans Homère, Poseidon se montre irrité, indigné contre Zeus qui fait plier l’armée grecque et la condamne à la défaite : ici la joie brille sur son visage, anime son regard ; il s’agite comme ému d’une violente passion. En effet Amymone, à force de fréquenter les bords de l’Inachos, a vaincu le dieu, et le voilà qui s’élance à sa poursuite ; la jeune fille ne connaît pas encore l’amour qu’elle inspire ; son air effrayé, son agitation, ses mains qui laissent échapper la cruche d’or, tout montre qu’elle est éperdue et qu’elle ne sait pour quel motif le dieu sort précipitamment des flots. Autour de ses membres d’albâtre l’or brille d’un éclat qui se reflète dans l’eau. Retirons-nous, mon enfant, devant la nymphe, car le flot s’arrondit déjà en voûte autour de l’épouse, un flot bleu aux teintes d’azur, mais que Poseidon doit assombrir par le mélange de ses eaux.



Commentaire.

Sur le territoire d’Argos[1], entre Lerne et la mer, s’étendait un bois de platanes bordé par deux rivières, dont l’une roulait des eaux d’une remarquable limpidité. Les Grecs la nommaient Amymôné, c’est-à-dire l’Irréprochable. À quel dieu le pays était-il redevable d’une source aussi pure, aussi précieuse ? Évidemment à Poseidon, le dieu adoré à Corinthe, à Nauplie, au dieu de la mer qui était aussi pour les anciens le dieu des sources et des fleuves. Mais dans quelles circonstances, à quel moment cette source avait-elle jailli du sol pierreux et desséché de l’Argolide ? À l’origine même de la première ville, car toutes les fables locales se rapportent à la fondation de la première acropole, à la prise de possession du pays. Mais la première ville est Argos, et Argos a été bâti par Danaos, qui chassé de la Libye par la tyrannie de son frère Aegyptos débarqua avec ses cinquante filles sur les côtes du Péloponèse. Amymone pouvant être un nom de femme, les Grecs décidèrent que c’était celui d’une des filles de Danaos. La légende rencontre ainsi le second personnage dont elle a besoin. Reste maintenant à mettre la jeune fille et le dieu en présence ; l’imagination grecque pourvoit à tout. Envoyée à la découverte d’une source, par son père, Amymone est assaillie par un satyre, qui sortit sans doute d’un bois voisin de platanes. Elle appelle Poseidon à son secours ; le dieu paraît, la délivre du satyre, découvre qui il est, et lui apprend qu’elle est réservée à Poseidon par le destin, et pour prix de sa soumission aux ordres du destin, fait jaillir d’un coup de trident la source qu’elle cherchait.

La poésie et l’art s’emparèrent de cette légende. L’intervention du satyre

  1. Pausanias, II, 37.