Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/273

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filet et permettent à quelques-uns de s’échapper : tant la pêche est abondante !



Commentaire.


Le Bosphore de Thrace, suivant Polybe[1], était large de 14 stades entre Byzance et Chalcédoine, et de 12 stades à l’extrémité opposée. Vers le milieu de sa longueur, rétréci par un promontoire de la côte de Thrace, nommé Hermaion[2], il ne conservait plus que 5 stades. Le peintre avait choisi pour la représenter la partie la plus resserrée du détroit, puisque, selon Philostrate, les chasseurs n’avaient que 4 stades à parcourir pour passer d’Europe en Asie. Mais Philostrate, n’ayant pas sans doute d’échelle, pouvait, dira-t-on, se tromper sur la distance ; on conviendra cependant qu’un peintre, voulant représenter les deux rives d’un détroit, était presque contraint de choisir le point où elles se rapprochaient l’une de l’autre, afin de ne point diminuer dans une trop grande mesure la taille des personnages et les proportions des objets. Comme, d’un autre côté, on apercevait dans le tableau le fanal servant de guide aux navigateurs qui venaient du Pont, on peut affirmer que l’artiste avait représenté le Bosphore depuis son étranglement jusqu’au point le plus septentrional.

La même étendue de terrain s’offrait-elle au regard plus sur une rive que sur l’autre ? Cela n’est guère probable. En effet Philostrate ne place qu’une seule scène sur la côte d’Europe, la chasse mentionnée dans les premières lignes de la description ; puis il suit le rivage d’Asie, et nulle part il me semble l’abandonner pour repasser en Europe. D’ailleurs, si l’on réfléchit que le détroit allait s’élargissant à mesure qu’il se rapprochait du Pont, on comprendra que, dans l’intérèt même de la vraisemblance, l’artiste ait pu être amené à ne représenter qu’une seule rive dans tout son développement. Sur une langue de terre placée à gauche et s’avançant plus ou moins dans le détroit, on apercevait des jeunes gens qui montaient des chevaux, peut-être des femmes qui les suivaient d’un œil attentif, et c’était tout : sur la côte d’Asie, au contraire, se déroulaient des scènes nombreuses et variées.

Philostrate décrit tout d’abord ce rivage, mais la première chose qui l’avait frappé à la vue de ce tableau, c’était moins ce rivage d’Asie que la pêche des thons. Telle est du moins la conjecture à laquelle conduit cette phrase : « restent les pêcheurs dont j’avais promis de parler ». On peut en conclure jusqu’à un certain point que la pêche, au lieu d’être reléguée, comme Welcker paraît le penser, à l’extrémité du détroit, en occupait une grande partie et plutôt les premiers plans que les derniers.

Sur le devant, une barque poussée par des rameurs se dirigeait vers le

  1. IV, 39.
  2. Polyb., IV, 43.