Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/290

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travaille ; à gauche, la génisse fabriquée par l’artiste est amenée à Pasiphaé, Un pan de mur, placé derrière Dédale et ses aides, semble être le mur du fond de l’atelier, qui n’est pas autrement limité. La génisse en bois qui de- vrait être sortie complètement de l’atelier, y est encore engagée pour le quart de son corps ; elle se trouve ainsi à la place où s’élèverait un des murs de côté. Cette simplicité de moyens ne s’impose pas, il est vrai, avec autant de force au peintre qu’au sculpteur ; il se pourrait donc que dans notre tableau la séparation eût été mieux marquée que dans le bas-relief du Louvre ; mais nous devons toujours nous rappeler que tout ce qui favorise l’illusion est hardiment écarté par l’art antique ; si Philostrate nous avait dit que la robe de Pasiphaé touchait presque quelques statues de Dédale, nous n’au- rions pas lieu d’en être étonnés.

Dédale est assis devant la génisse : c’est la posture qu’il a dans le bas- relief du Louvre (1) et dans un autre du palais Spada, décrit par Winckel- mann (2). Surle premier de ces monuments, il tient à la main une des jambes de la génisse, et l’ajuste avec l’herminette ; c’est peut-être ce genre de travail, consistant à réunir des parties préparées à l’avance, que Phi- lostrate a voulu caractériser en disant que Dédale est assis pour ajuster la génisse, 29° äpuovta +%e 8 : be. L’artiste porte un ériôn ; entendons sans doute par là un *ètement d’étoffe grossière, simulant une exômis ou tunique ou- verte sur le côté ; le mot grec ne répugne pas à cette signification, et nous rencontrons Dédale ainsi vêtu dans la première scène du bas-relief du Lou- vre. Il est vrai que dans son atelier il porte un costume encore plus simple ; un morceau d’étoffe noué autour des reins. Il est nu-pieds ; et c’est ainsi que l’art antique représente les ouvriers, dont la chaussure, sans doute vulgaire, n’aurait pas plu au regard dans un tableau ou un bas-relief. Philostrate donne une autre raison de cette simplicité chez Dédale ; c’est comme Athé-


" nien qu’il a les pieds nus et qu’il. porte le tribôn. Pour croire ici Philos-

trate, nous le trouvons un peu trop préoccupé d’opposer, en toute circons- tance, la simplicité antique des Athéniens au luxe des autres peuples et de son temps ; c’est ainsi qu’il nous montre Apollonius, recevant d’un roi indien des éloffes de lin, parce que, dit-il, elles ressemblent au tribôn des anciens et des vrais Athéniens(3). Nulle part ailleurs, iles ! vrai, Philostrate ne dit que les anciens Athéniens allaient pieds nus ; mais il admire beaucoup ceux qui, suivant la légende, se passaient de chaussures, comme le philosophe de Sinope, Cratès le Thébain (4) et comme Apollonius (5) ; il les loue non seule-

(1) D’après Clarac, le personnage assis n’est qu’un ouvrier ; Dédale serait le personnage de- bout, qui est coiffé d’une espèce de pétase à petits bords (Musée, texte Il, 1°* p., p. 630).

(2) Mon. inéd., n° 94 ; Millin, Gal. Myth., t. 11, E. 486, pl. XXX.

(3) Vie d’Apollon, de Tyane, II, 41 (Traduct. Chassang, p. 92). Voir aussi même livre, 20 ; « Apollonius vit avec plaisir le bysse, parce que sa couleur rousse est celle de la robe qu’il por- tait » (p. 10 de la trad.). Apollonius était vêtu du tribôn.

(4) Épitre 18.

(5) Vie d’Apoll., VIT. « 11 s’honora de marcher nu-pieds. »