Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/314

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désintéressement de toute participation à la vengeance, sur une frise où l’aventure s’éparpille nécessairement en scènes isolées, où le dieu est séparé à la fois de ses ennemis et de ceux qui le vengent, rien de mieux ; mais dans une peinture où les personnages sont groupés, où les pirates et. Dionysos se trouvent forcément en présence, convenait-il de nous montrer un dieu impassible ou distrait ? Friederichs (1), qui l’a pensé, nous paraît avoir confondu non seulement les lois du bas-relief avee celles de la peinture, mais encore deux genres de composition fort différents, l’un qui procède par grou- pes séparés, l’autre qui réunit ensemble tous les acteurs d’une même scène

De combien de personnages se composait le cortège de Dionysos ? D’après Philostrate, les pirates sont convaincus que des femmes lydiennes, des salyres, des joueurs de flûte, Silène et Maron, les Pans naviguent avec le dieu ; mais tous ces personnages étaient-ils représentés ? Le texte de Philo- strate n’autorise pas à l’affirmer : on dirait même, à voir le tour qu’il prend pour nous parler du thiase divin, qu’il a voulu suppléer aux lacunes du tableau. Au début de sa description, quand il ne fait que de reconnaître le sujet, il ne parle que des Bacchantes qui entourent le dieu. En outre, nous savons que Silène n’était point avec Dionysos, quand le dieu fut sur- pris par les Tyrrhéniens ; selon EBuripide (2), Silène, apprenant le danger que courait Dionysos, s’embarqua avec son fils pour aller à la recherche du dieu : ce fut dans cette expédition qu’il fut jeté par les vents sur les rochers de l’Etna et qu’il tomba au pouvoir des Cyclopes. Jusqu’à quel point cette légende, inventée peut-être par Euripide, avait-elle été admise et respectée par le peintre ? Il est évident que l’artiste conservait le droit de la modifier suivant son caprice ou les nécessités de sa composition. D’un autre côté, si nous considérons les monuments antiques, il est rare de rencontrer un thiase uniquement composé de femmes ; presque toujours les satyres sont à dansant ou jouant de la flûle, pendant que les Ménades entre-choquent les cymbales, agitent le thyrse el secouent les tambours. Sur le vase que nous citions plus haut, des femmes apportent différents mets à Dionysos assis, mais un Satyre portele canthare, un autre tientlalyre, un autre armé du thyrse et désigné sous le nom de Cômos représente la joie bruyante des festins (3). Aussi, sans pouvoir affirmer la présence sur le navire de Silène et des Pans, nous sommes porté à croire que le thiase en voyage n’était pas formé des seules bacchantes.

La description de Philostrate nous permet de nous représenter sans peine le navire qui portait Dionysos. La Panthère dorée servait d’insigne, autre- ment dit, de parasémon. Ressemblait-elle aux énsignia des navires qui, dans le manuscrit du Vatican, composent la flotte d’Énée, c’est-à-dire, était-ce une

(1) Frieder., Die Phil. Bilder., p. 188. début du Cyctope. ieseler, D. d. a. K., 1, XLVI, n° 585.