Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/315

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figure détachée, placée en vedette, au-dessus de la pointe extrème et supé- rieure de la proue ? Non sans doute : c’est ici la proue elle-même qui avait été façonnée à l’image d’une tête de panthère, à peu près comme pour ces navi- res de Pompéi dont une figure humaine, surmontée du chénisque, compose toute l’étrave (4). Sur un vase peint à figures noires qui nous représente Dionysos et les Tyrrhéniens changés en dauphins, le navire se termine par une espèce de boutoir que l’on peut prendre pour une tête d’animal (2). De même le char ou navire posé sur des roues qui sur un autre vase porte Dionysos et deux satyres jouant de la flüte s’allonge en un museau pointu (3) ; mais ici ce museau ne forme pas toute la partie antérieure ; il n’en occupe que le milieu. Le texte de Philostrate fait penser à une disposition sensible- ment différente : la proue se confondait sans doute avec son insigne.

La poupe était revètue de cymbales qui probablement se recouvraient les unes les autres, elles remplaçaient les boucliers qui s’élèvent au-dessus du bastingage, masquant en partie les guerriers, dans certaines représentations de navires anciens (4). Le corps du navire, entre la poupe et la proue, res- semblait, dit Philostrate, à une pierre, à une masse rocheuse ; il nous est assez malaisé de nous représenter ce vaisseau, moitié panthère et moitié rocher. On a cru que Philostrate assimilait le navire de Dionysos à une de ces montagnes écartées où les poètes rencontrent le dieu se livrant à ses transports et récitant des vers aux Nymphes qui les répètent :

Bacchum in remotis carmina rupibus Vidi docentem (8).

Et, en effet, ce mât qui ressemblait à un thyrse, cette vigne et ce lierre qui s’’entrelaçaient aux cordages et lapissaient la voile, pouvaient rappeler à l’esprit leshauteurs et les grottes fréquen tées par Dionysos. De plus on peutsup- poser que Philostrate qui veut peindre pour les yeux, après avoir assimilé la poupe à la queue recourbée d’un poisson et la proue à un monstre couvert d’é- cailles, s’est demandé à quoi ressemblait l’entre-deux : une masse noire, jetée au milieu de la mer, ne lui a paru comparable à autre chose qu’à un rocher. La métamorphose ainsi expliquée n’en demeure pas moins singulière ; ses différentes images s’excluent, ou du moins se nuisent l’une à l’autre.

C’était une idée ingénieuse du peintre que d’avoir déployé au-dessus de Dionysos el de son cortège celle voile de pourpre à personnages brodés en or ; cette disposition lui permettait de compléter le thiase et en même


(1) Ant. d’Hlere., 1, p. 243. Roux, Hereuïanum et Pompéi, M, 5° sér, pl. XIV. (2) Gerhard, Auser !. Vas. I, pl. XLIX. Cf, Gazette archéologique, 1815. (3) Müller-Wieseler, D, d. a, K., pl. XLVII, n° 604.

(à) Virgile du Vatican.

(6) Horace, O4. U, xx.