Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/317

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un moyen d’amuser l’imagination du lecteur. Les artistes sans doute useront de cette ressource ; car eux aussi ne dédaignent pas la variété. Il est vrai que dans le monument de Lysicrate les Tyrrhéniens métamorphosés ne se présentent que sous une seule forme, celle d’un être qui aurait la tête d’un dauphin, les flancs et les jambes d’un homme ; c’est l’état exactement intermédiaire que le sculpteur a choisi pour le représenter. Peut-être n’a-t-il pas cru pouvoir opposer l’un à l’autre (car les groupes répondent aux groupes, les figures aux figures) deux formes d’aspect tout à fait différent ; peut-être aussi a-t-il craint, s’il représentait des métamorphoses trop ou trop peu complètes, de donner à un tout nécessairement hétérogène, des parties trop menues pour être distinctes et pour s’allier convenablement avec les autres. Quel qu’ait été son motif, nous ne croyons pas que le peintre ait usé dans la composition de son tableau d’une licence excessive, ni même exceptionnelle en son art ; cette variété de formes qui par elle-même est un avantage, en offrait ici un autre par surcroît : à la vue de ces hommes, déjà dauphins, mais à divers degrés, le spectateur devait croire plus aisément qu’il assistait à la métamorphose elle-même ; supposez tous les pirates moilié dauphins, moitié hommes ; l’illusion du mouvement est moins complète : on peut penser que la métamorphose a eu lieu il y a longtemps, qu’elle est ce qu’elle doit rester, qu’elle ne s’achèvera pas. Le peintre avait donc eu raison, selon nous, d’imiter en cette occasion les procédés poétiques.



XIX

Les Satyres.


Célènes est le lieu représenté, si ces sources et cet antre ne nous trompent pas ; point de Marsyas, il est vrai ; c’est qu’il fait paître ses troupeaux, ou que sa querelle avec Apollon a déjà eu lieu. N’admire point l’eau : car, si limpide et si calme qu’elle ait été représentée, Olympos te semblera encore réunir plus d’attraits. Après avoir joué de la flûte, il dort, mol adolescent, sur un moelleux tapis de fleurs, mêlant sa sueur à la rosée de la prairie ; le zéphyre cherche à le réveiller en jouant dans sa chevelure, et lui de son côté répond aux caresses du vent par le souffle qui sort de sa poitrine. Les roseaux chantants sont aux pieds d’Olympos, avec les outils de fer qui servent à percer les flûtes. Éprise d’amour pour le jeune homme, la troupe des satyres le contemple ; ils ont la joue en feu, le sourire sur les lèvres ; ils voudraient l’un toucher la poitrine d’Olympos, l’autre se jeter à son cou, l’autre ravir un baiser ; ils sèment sur lui les fleurs et l’adorent comme une statue ; le plus avisé d’entre eux, saisissant une des flûtes encore tiède de la chaleur des lèvres, arrache la languette et la mord ; il s’imagine