Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/318

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ainsi embrasser Olympos et prétend même respirer avec délices le parfum de son haleine.



Commentaire.


La ville phrygienne de Célènes était célèbre dans l’antiquité par les deux fleuves qui l’arrosaient, le Méandre et le Marsyas. Le Méandre, suivant Xénophon, prenait sa source dans le palais même de Cyrus le Jeune, et coulait à travers le parc de ce prince avant d’entrer dans la ville[1]. Le Marsyas qu’Hérodote appelle les Cataractes[2] jaillissait sur la place même de Célènes, au pied de la citadelle ; près de là était suspendue une outre qu’on disait avoir été faite de la peau de Marsyas[3]. Les mythologues remarquent que les Silènes étaient regardés dans l’Asie Mineure comme les génies des sources et qu’en cette qualité on les représentait assis ou debout sur une outre[4]. De là sans doute est venue la légende de Marsyas, écorché par Apollon, et donnant naissance par les larmes et le sang qu’il répandit à un ruisseau qui fut appelé de son nom le Marsyas. Ce sont les sources du Marsyas que le peintre avait représentées dans notre tableau ; il est fâcheux que Philostrate ne décrive point le paysage avec plus de complaisance ; c’est à Quinte-Curce que nous sommes obligé de demander les détails qui nous permettent de voir le lieu de la scène en imagination. « La source descendant d’un sommet élevé tombe avec grand fracas sur un roc qui se trouve au-dessous ; de là, étendant son cours, elle arrose les campagnes environnantes, toujours limpide et n’ayant d’autres eaux que les siennes ; sa couleur étant semblable à celle d’une mer calme, les poètes, en quête de fiction, ont prétendu que les Nymphes, éprises d’amour pour le fleuve, avaient fixé leur séjour sur ce rocher[5]. » L’artiste, outre la source, avait peint un antre, séjour d’Olympos et de Marsyas. C’est sans doute devant cet antre et sur les bords du fleuve que dormait Olympos, mollement étendu sur l’herbe.

Olympos, dit Philostrate, mêlait sa sueur à la rosée de la prairie. C’est là sans doute une antithèse forcée et de mauvais goût, d’autant plus désagréable pour nous qu’il s’y mêle une image, qui ne choquait pas les anciens, mais que nous écartons volontiers. Toutefois cette antithèse atteste qu’Olympos dormait bien d’un sommeil qui trahissait l’épuisement de ses forces, et que l’herbe était rendue de manière à donner comme une sensation de fraîcheur à ceux qui la regardaient. Le détail qui suit donne lieu à une observa-

  1. Xénophon, Anab., I.
  2. Herod., VII, 26.
  3. Strab., XII, 378.
  4. Preller, Griechische Mythol., I, 697.
  5. Quinte-Curce, III, 1.