Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/319

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tion analogue. Le Zéphyre, nous dit Philostrate, se joue dans la chevelure d’Olympos, et de son côté Olympos respire, à l’encontre du Zéphyre, comme pour lui rendre ses caresses. On ne saurait s’exprimer d’une manière plus précieuse ; toutefois que signifie cette phrase, si ce n’est que la poitrine d’O- lympos paraissait se soulever, que le satyre semblait vraiment dormir, que dans son sommeil, il conservait, comme cela doit ètre, toutes les apparences de la vie. Ainsi comprise, l’observation de Philostrate n’a plus rien qui étonne ; nous sommes habitués à ces effets merveilleux de la peintur !

Plusieurs satyres entouraient le jeune élève de Marsyas : « ils voudraient, dit Philostrate, l’un toucher sa poitrine, l’autre se jeter à son cou, l’autre ravir un baiser. » Quelle était donc l’attitude de ces trois satyres pour que Philostrate pût ainsi deviner le secret désir de chacun d’eux ? On serait tenté de croire que le rhéleur, pour jeter de la variété dans sa description, suppose chez les satyres une variété de sentiments que la peinture ne saurait rendre. Cependant, si l’on réfléchit que l’artiste, ayant à représenter quatre satyres, était nécessairement amené à donner à chacun d’eux une attitude différente, n’était-il pas naturel que l’un fixât ses yeux plutôt sur la poitrine, l’autre plutôt sur le cou, l’autre plutôt sur la bouche ? et si telle était réellement l’attitude de nos satyres, l’interprétation de Philostrate ne doit-elle pas nous paraître aussi juste qu’ingénieuse ? Ils ont la joue en feu, et ils rient de façon à découvrir les dents ; ce dernier trait leur est commun avec le satyre qui dans un tableau du Tilien découvre une Nymphe ; rien de plus vrai, de mieux observé que ce signe d’une passion brutale. Les satyres sèment les fleurs sur Olympos : celle action se coneilie fort bien avec les trois attitudes légèrement différentes que nous supposons auxsatyres ; en effet, ils pouvaient, en jetant des fleurs, avoir les yeux fixés celui-ci sur un point, celui-là sur un autre. Quant à l’action en elle-même, elle convient aux admirateurs d’0- lympos ; les vases grecs nous montrent souvent des génies volant dans les airs avec des couronnes et des bandelettes, au-dessus des chanteurs et des mu- siciens qu’ils s’apprètent à couronner. Les fleurs entre les mains des satyres qui ne savent pas tresser et ne connaissent pas l’usage de la laine, rem- placent avantageusement les bandelettes et les couronnes. D’ailleurs la cou- tume de jeter les fleurs est aussi antique que moderne ; voyez le tableau véritable ou de fantaisie que nous décrit Lucien (1), lorsqu’il nous montre Europe portée par le Laureau divin suivi d’un cortège de Néréides, de Tritons et de dauphins, et Aphrodite laissant tomber des fleurs de toute espèce sur la jeune épouse. Les peintres de la renaissance, Raphaël le premier, ont em- prunté à l’antiquité ce gracieux usage : ce sont des anges ou des heures, il est vrai, que le grand peintre charge de répandre des fleurs, soit sur l’enfant Jésus, soit sur les dieux, assis à un banquet : simple différence, nécessitée




(1) Lucien, Dial, mar., 15.