Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/320

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par la différence des sujets ! Mais, dit-on, ce quatrième satyre qui arrache et dévore la languette d’une flûte, n’est-il pas bien étrange ? Pas plus sans doute que Daphnis, lorsqu’il baisait les chevreaux et les agneaux de Chloé, ou même lorsqu’il lui ôtait sa flûte, et, parcourant des lèvres tous les tuyaux d’un bout à l’autre, faisait semblant de lui vouloir montrer où elle avait failli afin de la baiser à demi en baisant la flûte aux endroits que quittait sa bouche. » Ce sont façons d’amants dans l’antiquité et peut-être aussi dans des temps moins naïfs. Le peintre sans doute observe comme le poète, comme le romancier, et son art, plus encore que celui du romancier ou du poète, se prête à reproduire les gestes et les attitudes qu’il a observés. On insiste et l’on demande comment le rhéteur sait que la languette de la flûte, ainsi arrachée et mordue, est encore tiède de la chaleur des lèvres[1]. C’est là une conjecture, conséquence naturelle de la première, d’après laquelle Olympos vient de s’endormir. Blâmer Philostrate de les avoir faites l’une et l’autre, c’est lui reprocher d’avoir compris le tableau.



XX

Olympos.


Pour qui joues-tu de la flûte, Olympos ? Que sert la musique dans la solitude ? Il n’est là ni berger ni chevrier pour t’entendre ; les Nymphes mêmes sont absentes, les Nymphes qui danseraient volontiers au son de la flûte. Je ne sais pourquoi tu te plais à regarder cette eau qui coule au pied du rocher. Qu’y a-t-il de commun entre elle et toi ? Ce n’est pas pour toi qu’elle babille ; elle n’accompagnera pas les sons de la flûte de mouvements cadencés ; d’ailleurs nous ne te mesurons pas le temps, nous qui voudrions prolonger jusque dans la nuit le plaisir de t’entendre. Si c’est ta beauté que tu considères ainsi, n’interroge point l’eau ; mieux qu’elle, nous saurons te l’expliquer de point en point. Tes yeux sont brillants, presque tous leurs regards se concentrent sur la flûte ; tes sourcils décrivent un arc, ils indiquent le caractère des airs que tu fais entendre ; ta joue paraît s’agiter et comme danser en cadence ; tu souffles dans l’instrument et tu ne gonfles outre mesure aucune partie de ton visage. Ta chevelure n’est point inculte ; elle n’est point non plus lisse et parfumée comme celle d’un jeune élégant ; si elle se hérisse, si elle est sèche et aride, ce défaut ne paraît pas sous les feuilles vertes et rigides du pin qui ceignent ta tête. C’est là une belle couronne et qui rehausse l’éclat de ta beauté ; quant aux fleurs, laisse-les croître pour les jeunes filles ; laissons-les prêter aux femmes leurs éclatantes couleurs. Ta poitrine, j’ose l’affirmer, n’est point

  1. Matz, De Philostr. fide, p. 63.