Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/321

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seulement emplie par le souffle que tu en tires, mais par l’inspiration musicale, par la science des modulations. L’eau sur laquelle tu te penches du haut d’un rocher ne réfléchit que la partie supérieure de ton corps ; si tu avais été debout, la partie au-dessous de la poitrine eût apparu déformée ; car les objets vus dans l’eau viennent comme à la surface en se ramassant sur eux-mêmes. En outre ton image vacille ; c’est que le souffle sortant de ta flûte vient frapper la source, c’est que le Zéphyre s’en mêle, le Zéphyre qui inspire le musicien, enfle la flûte, et ride la surface de l’eau.



Commentaire.


La composition de ce petit tableau, quoique très simple, ne laisse point d’être ingénieuse. Assis ou demi-couché sur un rocher, un jeune faune, Olympos, pour lui donner le même nom que Philostrate, joue de la flûte et se penche sur l’eau qui coule à ses pieds, comme pour étudier dans ce miroir la manière de tenir sa flûte avec élégance, et d’en tirer des sons sans altérer les traits de son visage ; aimable variante à la fable de Narcisse. Ce n’est plus la beauté qui dépérit, en se contemplant elle-même ; c’est l’artiste se donnant à lui-même pour spectateur et recherchant ces grâces extérieures qui ajoutent un attrait de plus au talent. Ainsi sans doute l’a compris Philostrate ; cependant sa pensée ne laisse pas d’être assez incertaine. Il s’épuise en suppositions, avant de s’arrêter à la plus naturelle, à savoir qu’Olympos considère sa propre beauté ; et c’est mal comprendre l’intention du musicien que de lui conseiller de ne plus regarder dans l’eau de la source.

Olympos portait une couronne de feuilles de pin qui, dit Philostrate, empêchait ses cheveux de paraître trop incultes. Une couronne semblable est souvent donnée, dans les bas-reliefs, aux Faunes, aux Silènes et même aux Centaures ; les feuilles de pin qui la composent sont ordinairement très raides, et plus larges peut-être que dans la nature. On conçoit très bien d’abord que cette couronne ait caché en grande partie les cheveux, puis qu’elle ait donné à la figure du jeune homme un caractère viril, presque sauvage. Elle valait bien le bonnet phrygien que porte quelquefois Olympos sur les monuments et dont l’absence dans notre tableau a paru à un commentateur une faute contre la tradition de l’art antique[1]. Friederichs d’ailleurs se trompe : Olympos est souvent représenté nu-tête, soit qu’il assiste à la lutte d’Apollon et de Marsyas[2], soit qu’il joue lui-même de la double flûte en présence de son maître[3]. D’un autre côté, Marsyas a quelquefois

  1. Friederichs, Die Phil. Bilder, p. 52.
  2. Helbig, Wandg., nos 231.
  3. Id, ibid., nos 215, 216, 227. Roux, I, 107.