Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/322

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

la tête ceinte de feuilles de pin (1) : comment s’étonner que le disciple ait adopté la même couronne que le maître, surtout si cette couronne re- lève encore mieux l’éclat de la beauté chez le jeune homme qu’elle ne se concilie avec les cornes, la barbe épaisse, les oreilles pointues, et les traits un peu gros, bien qu’ennoblis, du vieux satyre. Olympos est nu ; il n’est guère permis d’en douter, à la manière dont Philostrate parle des mouve- ments de la poitrine et de la beauté de tout le corps réfléchi dans l’eau. Sur les peintures de vases (2) Olympos porte ordinairement un riche costume composé d’un chiton serré à la ceinture, de sandales hautes, et d’une chla- myde nouée sous le menton et flottant sur le dos. Cette différence ne saurait surprendre personne ; la peinture de vases, essentiellement décorative, recherche, plus encore que toute autre peinture, le luxe du costume.

On trouvera peut-être que Philostrate insiste beaucoup sur la beauté etla grâce de notre joueur de flûte. Mais c’étaient là des qualités que les anciens estimaient d’autant plus qu’elles leur paraissaient difficilement conciliables avec la nécessité de souffler dans un instrument. Le bel Alcibiade disait que « le maniement de la lyre et du plectrum n’altère point les traits d’un homme bien né, tandis que, en soufflant dans la flûte, on se déforme la bouche et on se défigure à ne pas être reconnaissable même pour ses amis (3). » Mi- nerve avait rejeté la flûte ayant contre elle le même grief (4). Apollonius de Tyane, donnant des conseils au musicien Canos de Rhodes, lui recommande trois choses comme essentielles : un souffle net el clair, une main agile et souple, une bouche qui s’applique convenablement à la flûte : or cette der- nière condition est remplie lorsque les lèvres en embrassent bien le bout sans que le visage se gonfle (5). Nous rencontrons assez souvent sur les mo- numents des joueurs et des joueuses de flûte, Faunes ou Ménades ; le souffle enfle bien leurs joues, quelquefois assez fort, jamais cependant outre mesure ni de façon à déplaire ; que l’on compare, par exemple, la bacchanale du vase Borghèse à tel dessin de Raphaël, qui représente deux nymphes et un satyre jouant de la flûte, on verra qu’à cet égard l’art moderne est plus hardi que l’art antique. Quant à Olympos lui-même, un tableau d’Hereula- num nous le montre jouant de la flûte, on ne pourrait pas mème dire’de lui ce que dit Philostrate de l’Olympos qu’il décrit : « La joue paraît s’agiter et comme danser en cadence. » Le visage est absolument au repos ; on dirait


(1) Helbig, Wandg., n° 231.

{2) Voir Millingen, V. Cogh., B, pl. IV. Elite céramogr., M, 12, 13, 61 et Stephani, Compte rendu de la Comm. arch. Saiat-Pétersbourg, 1815, p. 121.

(8) Arist., Pol, ch.

{4) Voir un bas-relief d’Athènes, relatif à cotte légende dans Stuart, Aatig. of A4h., M, ch. m1, p. 27, dans Mull.-Wies. D. d. a. K., Il, 239 ; le bas-relief du Louvre, n° 84 du catalogue, et aussi un bas-relief de sarcophage du palais Barberini. Müller-Wieseler, ibid, Il, 492.

(5) Philostr., Vie d’Apollonius, V, 21.