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nait en dehors, comme dans le Faune de Praxitèle ; seulement les doigts devaient être plus fermés, afin de produire des ombres qui s’étendissent sur la paume de la main[1]. Il n’y a donc pas lieu, nous semble-t-il, de critiquer avec Friederichs[2] la position de Narcisse comme peu naturelle et mal conçue ; nous avons cité le Faune, parce que de toutes les statues antiques, c’est peut-être la plus connue qui ait la même attitude ; mais Narcisse lui-même, dans une peinture de Pompéi, reproduite par Zahn[3], pourrait, mis en face de notre Narcisse, lui rendre le même service que l’eau de la source dans laquelle il se mire ; c’est la même position des jambes, le même mouvement des hanches ; il s’appuie également sur un épieu et la main droite repose de la même façon sur le flanc ; toutefois le corps tout entier se présente un peu autrement aux regards du spectateur[4].



XXIII

Hyacinthe.

Reconnais l’hyacinthe à son inscription ; la fleur elle-même nous rappelle qu’elle est née de la terre, en l’honneur d’un bel adolescent ; au retour de chaque printemps, elle le pleure sans doute par reconnaissance de la vie qu’il lui a communiquée en mourant. Et que l’aspect de cette prairie couverte de fleurs ne te fasse pas croire à une autre origine ; en tant que plante, elle est bien née de ce sol ; mais le jeune homme, c’est le peintre qui nous l’apprend, avait une chevelure semblable pour la couleur à l’hyacinthe ; le sang qu’il perdit avec la vie fut bu par la terre et fournit sa teinte propre à la fleur. Ici le sang coule de la tête sur laquelle le disque est tombé : maladresse étrange qu’on ose à peine mettre sur le compte d’Apollon. Mais puisque nous sommes venus voir des tableaux, en simples curieux, non pour expliquer les mythes ni pour émettre des doutes, ne considérons que la peinture, et d’abord la borne même du jeu. C’est une petite levée de terre suffisante pour un homme s’y tenant debout ; supportant la jambe droite,

  1. Les gravures qui présentent le Faune de face (Müller-Wieseler D. a. d. K., I, 143) ne laissent pas voir la paume de la main ; mais pour un spectateur placé un peu à droite de la Statue, la paume de la main devient visible et les jambes paraissent croisées.
  2. Die Philostrat. Bilder, p. 61.
  3. Zahn, III, 63. Cf. Brunn, die Philostr. Gemälde, p. 189.
  4. Outre les monuments cités plus haut, voir Pitt. d’Ercol., V, 27 et 29, 1, II, 63 ; Lippert, I, II, 63 ; Mus. Flor., II, 36, 2 ; Clarac, p. 590, no 1281 ; Chabouillet, 1791. Sur ce dernier monument, qui est une cornaline, Narcisse est agenouillé aux bords de la source ; il tient dans la main droite la fleur qui sert à le caractériser. Nous avons fait graver cette pièce inédite pour la feuille de titre du présent ouvrage. — Voir aussi une terre cuite de Tanagra, la plus ancienne représentation connue de Narcisse, suivant M. Helbig (Séance du 31 janv. de l’Inst. arch. allem., dont l’opinion est adoptée par M. Fr. Lenormant (Gaz. arch., 1879, 1a n, p. 52).