Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/333

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elle permet au corps de se pencher en avant et rend plus aisé le mouvement de la jambe gauche, rejetée en arrière, qui doit s’élancer et se déplacer en même temps que la main droite. Ainsi posé, le discobole doit, tournant la tête vers la droite, se pencher à ce point qu’il ait les yeux fixés sur sa hanche, puis jeter le disque en le tirant comme d’un puits et en faisant effort de toute la partie droite du corps. C’est ainsi qu’Apollon a lancé le disque ; il n’aurait pu faire autrement. Atteint par le disque, c’est sur le disque lui-même que l’adolescent est couché. C’était un jeune Lacédémonien, exercé à la course, aux jambes bien droites, au bras déjà plein de vigueur ; laissant deviner sous les chairs une gracieuse ossature. Apollon encore debout sur la borne à détourné les yeux et regarde la terre ; on dirait qu’il est comme frappé d’immobilité, tant est grande la stupeur qui l’accable. C’est le barbare Zéphyre qui dans sa colère contre le dieu a dirigé le disque contre le jeune homme. Tout cela lui paraît un jeu, et il rit du lieu élevé d’où il observe. Tu le reconnais, je pense, aux ailes de ses tempes, à son air efféminé, à sa couronne tressée de toutes les fleurs auxquelles il mêlera bientôt l’hyacinthe.



Commentaire.

Apollon raconte lui-même, dans Lucien[1], comment il tua Hyacinthe. « Il apprenait à lancer le disque, lorsque le Zéphyre, le père des vents, qui depuis longtemps aimait Hyacinthe, mais en était méprisé, profite du moment où, selon l’ordinaire, je jetais le disque en l’air, se met à souffler du mont Taygète et dirige le disque sur la tête du pauvre enfant : le coup fait jaillir le sang et l’enfant expire aussitôt. Je me suis vengé du Zéphyre en le poursuivant à coups de flèches, tandis qu’il fuyait vers la montagne ; j’ai élevé au jeune garçon un tombeau à Amyclée, au lieu même où le disque l’a frappé, et de son sang j’ai fait produire à la terre la plus agréable et la plus charmante des fleurs, ornée des lettres qui témoignent mes regrets de cette mort. »

Nous avons cité ce passage, parce que Lucien donne au Zéphyre, dans la fable d’Apollon et d’Hyacinthe, le même rôle que le peintre de notre tableau. Cette aventure n’était pas toujours racontée de la même façon : dans Ovide, Hyacinthe s’empresse trop de relever le disque que vient de lancer le dieu et qui, rebondissant, frappe le jeune homme à la tête. Sans doute les poètes avaient imaginé et cette intervention de Zéphyre et cette imprudence d’Hyacinthe pour n’avoir point à reprocher à un dieu une inexplicable mala-

  1. Lucien, Dial. des dieux, 14, 2 (traduct. Talbot).