Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/341

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donc sur le point de tenir ce discours à Maia : « Je suis victime de ton fils, cet enfant que tu as mis au monde hier ; les génisses qui faisaient ma joie, il me les a précipitées dans un abîme, je ne sais lequel ; il périra à son tour, et sera précipité plus bas que les génisses. Maia s’étonne, ne comprend pas ses paroles. Pendant cet entretien même, Hermès se tient derrière Apollon, saute sur ses épaules d’un bond léger et sans bruit, détache l’arc du dieu ; il fait son larcin sans être aperçu, mais le larcin une fois commis, l’auteur n’en est pas douteux. C’est là que l’artiste a fait preuve de talent ; il a déridé Apollon, il nous le montre souriant de ce sourire qui se pose sur le visage, quand la colère cède à un sentiment de plaisir.



Commentaire.


Au premier abord, cette description de Philostrate semble s’appliquer à quatre ou cinq tableaux différents, renfermés dans le même cadre. Premier tableau : Hermès vient de naître, il est entouré par les Heures. Second tableau : pendant que les Heures considèrent Maia couchée sur son lit, Hermès se débarrasse de ses langes ; l’Olympe personnifié sourit en le voyant marcher. Troisième tableau : Hermès pousse devant lui les bœufs d’Apollon. Quatrième tableau : Hermès est rentré dans son berceau ; Apollon se tient l’air courroucé et menaçant devant Maia. Cinquième et dernier tableau : Hermès saute sur les épaules d’Apollon et lui dérobe ses flèches ; le dieu se retourne, moitié irrité, moitié souriant. Cette multiplicité de sujets, cette répétition des mêmes personnages ne sauraient aisément se comprendre ; aussi n’est-ce point ainsi, pensons-nous, qu’il faut se représenter la composition décrite par Philostrate. L’auteur mêle assez confusément, il faut l’avouer, les traits purement descriptifs, et les explications qu’il emprunte à la légende d’Hermès enfant. En dernière analyse, le tableau semble avoir contenu deux scènes ; au pied de l’Olympe, Hermès poussant les bœufs ; sur la montagne, Apollon dépouillé de son carquois. Pour mieux expliquer et mieux relier ces deux scènes, Philostrate nous raconte tous les événements qui ont précédé ou suivi la première, et il les raconte comme s’il les voyait s’accomplir, comme si de nouveaux tableaux, représentant chaque instant de la légende, passaient successivement devant ses yeux. Lui-même il invite le lecteur ou le spectateur à cet effort d’imagination par cette phrase un peu obscure : « Si tu veux reconnaître les traces d’Hermès, considère le tableau. » Ce sont bien, en effet, des traces qu’il suit, non le dieu lui-même ; ce qu’il voit l’aide à retrouver les faits, les situations et les scènes que le peintre n’a pu représenter.

Revenons maintenant sur les principaux détails de cette peinture. Quelle