Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/347

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ou la Mort. Chaque artiste semble n’avoir pris conseil, sur ce point, que de sa fantaisie ou des exigences de son sujet ou de ses idées plus ou moins philosophiques ou religieuses sur le rôle du sommeil dans la vie. Ainsi Hyp- nos est tantôt un enfant (4), tantôt un jeune homme (2), tantôt un vieil- lard (3) ; ici il est légèrement vêtu ; là il disparait sous des draperies épais- ses ; il a des ailes d’oiseau ; il peut avoir des ailes de papillon, à la tête et aux épaules (4) ; on le rencontre aussi sans ailes d’aucune sorte. Ici il est debout ; là couché ; il s’appuie sur un bâton ou sur un arbre. Par une con- ception assez subtile, l’artiste qui avait sculpté le coffre de Cypsélos avait représenté le Sommeil, sous les traits d’un enfant noir dormant dans les bras d’une femme (5) ; la couleur indiquait la nuit comme le temps du som- meil ; la femme la personnifiait.

Le double vêtement blanc et noir est un raffinement. Les premiers et les derniers temps d’un art produisent quelquefois ces sortes de bizarreries in- génieuses ; l’époque de Philostrate ne s’est pas montrée plus subtile que celle de Cypsélos ; elle n’a fait qu’unir deux subtilités de même ordre, au lieu de se borner à une seule. D’ailleurs, il faut le reconnaître, cette dou- ble robe, quelque étrange qu’elle dût paraître, distinguait assez bien le Sommeil qui a pour séjour la grotte d’Amphiaraos du dieu ordinaire du som- meil, puisque dans cette grotte on consultait le devin, nuit et jour, en dor- mant. La corne entre les mains du Rêve ou du Sommeil ne paraît pas s’être rencontrée sur les monuments ; mais, d’un côté, le témoignage de Servius ne nous permet pas de douter que la corne fût quelquefois l’attribut du Som- meil (6) ; de l’autre, nous savons que les poètes ont quelquefois suivi en cela l’exemple des artistes, à moins que les artistes n’aient suivi les exemples des poètes (7). Philostrate nous explique la signification de cette corne. Ho- mère a parlé des portes de corne qui laissent passer les songes vrais et des portes d’ivoire qui laissent passer les songes menteurs ; la corne serait dans les mains du Sommeil ou du Rêve un symbole de vérité. Cette conclu- sion paraît un peu forcée ; car ce qui se comprend très bien de la porte de corne qui est transparente et en cette qualité, laisse mieux voir pour ainsi dire, l’avenir caché derrière elle, se comprend mal de l’instrument appelé corne ; peut-être faut-il rejeter l’interprétation de Philostrate et penser que la corne tenue ici par le Rève, n’est que le symbole de la libéralité avec

laquelle il prodigue les songes à chacun et surtout aux visiteurs d’Am- phiaraos.

(1) Zoega, Bassir, If, p. 206 et 210.

(2) Ibid. M, 93, p. 208, n° 22. Millin, Gal. myth., t. XXXIV, ne 121.

(8) Bas-relief de la villa Alban, Hirt. Bilderbuch, t. XXVI, 2.

{4) Sur le sens de ses ailes de papillon, voir Jahn, Arch. Beiträge, p. 55 et Stephani. Compte rendu, 817, p. 140, 154.

(5) Pausan., V, 18, 1.

(6) Ad Virg., Aen, VI, 894.

(1) Stace, Théb., V, 199.