Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/354

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pouvant s’intituler, le premier : Les Préparatifs de la chasse ; le second : Le Sanglier blessé et poursuivi ; le troisième : la Mort du Sanglier. De ces trois sujets, le second ne paraît pas se renfermer en un Cadre aussi bien que les deux autres. Le sanglier, dit Philostrate, bondit sur les chasseurs ; accablé par le nombre des traits, il fuit ; les chasseurs le poursuivent avec des cris à travers une forêt et jusque dans le lac. Tous ces traits qui appartiennent à différents instants de la durée ne semblent point composer un ensemble. On dirait que Philostrate, placé en face d’une ou deux scènes de chasse, se croit obligé de nous raconter une chasse complète ; les épisodes que l’artiste n’a pas re- présentés, il les voit en imagination ; il supplée, autant qu’il est en lui, à l’impuissance de l’art ; décrire est un exercice charmant pour un rhéteur, mais à la description mêler le récit, c’est en outre échapper à la monolonie du genre que l’on a choisi ; c’est quelquefois faire preuve d’érudition : c’est montrer ici par exemple qu’on a lu le Traité de Xénophon sur la chasse ; c’est aussi suivre l’exemple d’Homère, qui dans sa description du bouclier d’Achille raconte au moins autant qu’il décrit. Tous ces avantages, réels ou faux, Philostrate n’était point homme à les dédaigner. Supprimons donc ce second tableau, et considérons tout ce que dit Philostrate sur la poursuite du sanglier comme une manière de transition. Mais quoi ? ces objections ne valent-elles pas aussi contre le premier tableau ? Si Philostrate a imaginé une scène pour en relier deux autres, n’a-{-il pas pu imaginer aussi la première et la seconde, en guise de préface à une troisième ? C’élait l’opinion de Welcker. Selon cet archéologue, le moment choisi par l’artiste était celui où le jeune homme, engagé avec son cheval dans le marais, se penche pour lancer le javelot contre le sanglier ; ou plutôt le javelot a été lancé, et les chiens ramènent le sanglier vers la terre ; mais le jeune homme a conservé son attitude. Cette scène aurait formé le premier plan ; sur le second se se- raient Lenus les autres chasseurs qui n’élaient pas assez éloignés pour qu’on ne distinguât pas l’expression de leur visage, leurs gestes, la couleur de leurs chevaux ; plus loin le spectateur aurait aperçu le temple de Diane, puis des mules et des muletiers, des serviteurs portant Lout l’allirail de la chasse. Le regard de Philostrate se serait d’abord porté sur les objets les plus éloignés ; il a vu des rets, des filets ; c’est là, en aurait-il conclu, que les chasseurs se sontréunis pour commencer la chasse ; ila vu un temple de Diane : les chas- seurs s’y sont arrêtés pour prier, ainsi que le recommande Xénophon ; ils sont arrivés au bord du marais ; un seul y est entré. Pourquoi ? C’est que tous épris d’amour pour l’un d’entre eux ont voulu lui laisser l’honneur d’a- battre la bèle, tout en se tenant prèts à lui venir en aide, s’il courait quelque danger. Cette manière d’entendre le tableau et d’expliquer la description de Philostrate nous paraît fort plausible. Cependant il faut avouer que, dans celte supposition, Philostrate confond comme à plaisir ce qu’il voit avec ses yeux, et ce qu’il ne voit qu’en incagination ; qu’il se sert de termes trom-