Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/355

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peurs, qu’il raconte comme il décrirait ; que s’il veut nous expliquer le sujet d’un tableau, il devrait, non donner plus de clarté à ses préambules, mais Jes séparer plus nettement de l’exposition qu’ils préparent. Comment Philos- trate peut-il voir le sanglier aiguiser ses dents contre les chasseurs, s’il est déjà blessé mortellement ? Comment peut-il voir les jeunes gens se serrer contre leur compagnon, si celui-ci est déjà dans le marais ? Pourquoi parle- t-il de quatre espèces de chiens dont les uns aboient, les autres se recueillent, les autres sont lancés sur la piste de l’animal, s’il n’y a en tout, comme le pense Welcker, que les quatre chiens qui ramènent le sanglier vers la terre ? Toutes ces difficultés disparaissent, si nous conservons deux tableaux, les Préparatifs de la chasse et la Mort du sanglier : alors la composition tout en- tière aurait présenté l’aspect d’un bas-relief ; les deux scènes auraient été juxtaposées, et séparées sans doute entre elles par le temple de Diane.

Autre question aussi délicate et dont la solution ne serait point inutile pour juger l’œuvre du peintre. Philostrate, en supposant de l’amour entre les chasseurs et le jeune homme qui tue la bête, entrait-il bien dans l’inten- tion de l’artiste ? Ce qui peut suggérer un doute à cet égard, c’est que l’a- mour entre des jeunes gens est pour les rhéteurs de l’époque de Philostrate, pour Philostrate lui-même, un thème favori ; sans doute les artistes, qui appartenaient à la même société que les sophistes, ont pu eux aussi em- prunter lenrs sujets à des légendes et des aventures amoureuses du même genre ; sans doute ils ont dû croire que cet amour étrange, dont la peinture plaisait aux lecteurs, était aussi un moyen de renouveler l’intérêt des scènes souvent représentées, comme une expédition militaire, comme une chasse. Mais ici, tous les traits purement descriptifs de Philostrate ont-ils besoin pour être expliqués de la supposition du sophiste ? Ne serait-il pas plus sim- ple de penser que le peintre a voulu représenter la chasse d’un enfant de race princière, d’un Ascagne quelconque ? Les chasseurs qui, dit Philos- trate, paraissent être des Eupatrides, seraient des nobles qui composent le cortège du jeune prince ; s’ils l’entourent, s’ils se serrent autour de lui, c’est qu’il est confié à leur garde, c’est qu’il est plus encore leur chef que leur compagnon, c’est qu’ils le respectent pour la noblesse de son origine, autant qu’ils l’admirent pour son éclatante beauté, c’est qu’ils attendent de lui un de ces regards auquel les courtisans se montrent si sensibles ; s’ils lui laissent l’honneur de la victoire, cen’est pas complaisance d’amoureux ; comme tels, ils préfèreraient peut-être lui rapporter, comme Méléagre à Atalante, la hure du sanglier, ou le rendre témoin de leur propre valeur ; c’est politesse de cour et peut-être fidélité à l’étiquette ; quant à la couronne tressée par l’un d’eux, c’est plus encore un symbole de victoire qu’un témoignage d’amour. Remarquez d’ailleurs qu’il porte un riche costume, tout resplendissant de l’éclat de la pourpre, cette couleur royale, purpura regum ; qu’il à un air