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fier et superbe, bien plus convenable encore chez un fils de roi que chez un adolescent « qui se sent aimé ».



XXVIII

Persée.


Ce n’est point ici la mer Erythrée ni l’Inde. Tu vois des Éthiopiens, un héros grec en Éthiopie et l’entreprise périlleuse dans laquelle ce héros se jette par amour. Je pense, mon enfant, que tu n’es pas sans avoir entendu parler de Persée, le vainqueur de ce monstre qui échappé de la mer Atlantique, désolait l’Éthiopie, s’attaquant tout à la fois aux troupeaux et aux hommes. Le peintre a donc choisi ce sujet par admiration pour le héros et par compassion pour Andromède qui fut exposée au monstre. Le combat est terminé ; l’énorme bête est étendue sur le rivage, baignée dans des flots de sang qui se mêlent à la mer et la colorent ; Andromède est délivrée de ses liens par Eros. Selon l’habitude, le dieu est ailé ; mais contrairement à l’usage, il est représenté sous les traits d’un jeune homme ; il respire avec force ; on sent qu’il n’a point accompli sa tâche sans fatigue. Persée avait, en effet, avant le combat, supplié Eros de venir en personne, de fondre avec lui sur le monstre, et le dieu est arrivé, fléchi par les prières du héros. La jeune fille, charmante en Éthiopie par l’éclatante blancheur de son teint est encore plus charmante par les traits même de son visage ; elle éclipserait et les grâces délicates de la Lydienne, et la beauté imposante de l’Athénienne, et les attraits plus virils de la femme spartiate. La circonstance même ajoute à sa beauté ; elle semble, en effet, conserver quelque défiance, sa joie est mêlée d’étonnement, elle fixe sur Persée un regard animé déjà par un sourire. Le héros est couché non loin de la jeune fille sur l’herbe tendre et parfumée ; la terre est humide de ses sueurs ; il tient à l’écart l’épouvantail de la Gorgone de peur de changer en pierres ceux dont les regards la rencontreraient. Des pâtres en grand nombre offrent au héros du lait et du vin. Les Éthiopiens ne sont point sans charme, malgré l’étrangeté de leur couleur ; leur sourire, quoique farouche, exprime cependant la joie ; la plupart de ces hommes se ressemblent ; Persée reçoit leurs offrandes avec empressement, et s’appuyant sur le coude, il soulève sa poitrine haletante ; ses yeux sont fixés sur la jeune fille. Il laisse flotter au gré du vent sa chlamyde de pourpre, toute parsemée des gouttelettes de sang qui ont rejailli sur elle dans la lutte contre le monstre. Laissons les Pélopides se vanter de leur épaule ; elle n’égale