Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/359

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l’intention de l’artiste, sinon de faire remonter jusqu’à la déesse protectrice d’Athènes, la gloire d’avoir sauvé la fille de Cépheus et de Cassiopée ? Der- rière le héros, l’antiquité voit presque toujours la divinité ; c’est le diminuer en quelque sorte, mais c’est le grandir aussi, si l’on considère qu’il y avait de l’honneur, aux yeux des anciens, à être digne d’un patronage céleste. Quand les dieux eurent perdu de leur prestige, quand les Génies et les Erotés, envolés de l’idylle comme de leur nid, eurent envahi presque tous les genres el aussi les œuvres d’art, c’est l’Amour naturellement, qui devait, en de pareilles scènes, prendre la place d’Athénà. Le dédoublement de l’action, qui était autrefois un hommage de piété permit alors d’introduire un motif gracieux dans la composition, au risque de l’altérer et de l’affaiblir. Est-ce le cas dans notre tableau ? non, puis qu’ici l’épuisement du héros nous donne une plus haute idée de l’entreprise qu’il avait accomplie. L’intervention d’Eros conserve l’attrait qu’elle communique à tonte œuvre et le sujet lui- même n’y perd rien, du moins en intérêt et en grandeur.

Le Persée de notre lableau portait son costume accoutumé. Philostrate nous parle seulement de la chlamyde de pourpre qui flottait au vent ; les peintres de Pompéi et d’Herculanum lui donnent le même vêtement, non cependant sans en varier les couleurs ; ici, il est rouge, là bleu, ailleurs cha- toyant entre le rouge et le bleu (1). Sur les vases, dont les peintures sont conçues dans un style décoratif, Persée est quelquefois revêtu de cette tuni- que orientale, qui présente à l’œil une agréable variété de dessins (2) ; sur les peintures murales il n’a que la chlamyde qui, comme on le sait, couvre peu et laisse voir, tantôt plus, tantôt moins, les beautés plastiques du héros ; c’est de cette dernière façon qu’élait sans doute représenté notre héros, puis- que Philostrate a si bien pu juger de la beauté de son épaule plus blanche et plus ravissante que l’épaule d’ivoire de Pélops. Les gouttelettes de sang qui avaient rejaillisur la pourpre sans doute violacée de la chlamyde montrent bien l’intention réaliste du peintre ; c’est un détail qui s’harmonise avec d’autres, tels que les veines gonflées, la sueur perlant sur le corps. Il n’est pas inutile toutefois de remarquer qu’ici comme ailleurs le réalisme se mêle aux com- positions antiques dans une petite proportion qui ne suffit point pour faire d’un tableau ce que nous appelons une œuvre réaliste. C’est un élément de contraste, c’est un moyen de relever la beauté et la grâce, rien de plus. Persée sur les monuments a Lanlôt le bonnet phrygien, tantôt quand il porte la tu- nique orientale, la tiare ou cidaris, tantôt le pélasos avec ou sans ailes ; ses pieds sont tantôt nus, tantôt munis de brodequins, de sandales ou de ta- lonnières. Philostrate nous laisse ignorer le parti adopté à cet égard par le peintre ; de toutes ces portions du vêtement, la cidaris seule s’accommode rait mal avec le reste du costume. De même nous ne savons si Andromède

(1) Helbig, Wandg. 1181, 1203. (2 Hydrie du musée Britann. Arnali dell’Instituto, 1844, 111.