Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/371

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ornaient, lorsqu’au milieu d’un concours immense, formé par toute la popu- lation des îles voisines, elles célébraient la naissance d’Aphrodite (4) ? C’est cette fête sans doute que notre tableau a rappelée à Philostrate, et lon est tenté de croire que le rhéteur ne s’est pas mépris sur les intentions de l’artiste,

Welcker a rapproché de ce tableau un bas-relief antique décrit par Winc- kelmann et Zoega. L’encens brûle sur un autel ; les jeunes filles ne chantent pas, mais semblent danser ; d’ailleurs elles portent le même costume que sans doute dans notre tableau, une tunique qui ne tombe pas plus bas que le genou et laisse le bras à découvert ; elles ont la même altitude, le regard levé vers le ciel, et les mains renversées comme les statues désignées sous le nom d’adorantes (2) ; leurs pieds, chaussés d’une semelle légère, sont pres- que nus ; elles ont sur la tête une couronne de joncs. D’ailleurs point de bosquet de myrle, point de statue d’Aphrodite, point de maîtresse de chœur, point d’Eros, Ce sont là des ornements, que la sculpture, astreinte à une économie plus rigoureuse des formes et des lignes, a supprimés, ou plutôt dont la peinture, plus riche et plus libre dans l’usage de ses richesses, à voulu égayer par surcroît un sujet déjà si gracieux.

Welcker crilique plusieurs des interprétations de Philostrate, les jeunes filles ne pouvaient, selon lui, avoir les pieds nus pour mieux sentir la frai- cheur de la rosée ; des yeux élevés vers le ciel ne marquaient point que la déesse en était descendue ; des mains renversées ne signifiaient point qu’elle était sortie des flots ; un visage souriant n’était point un symbole de l’accal- mie des flots. Ces critiques paraissent assez justes. Une explication plus naturelle s’offre pour chacun des détails que Philostrate relève dans notre tableau. Les pieds nus ont plus de grâce ; le sourire est chose aimable, et s’harmonise d’ailleurs avec le caractère de la scène et des chants ; les yeux se portent au ciel dans la prière ; les anciens n’imploraient le ciel qu’en élevant leurs mains ouvertes comme pour recevoir les présents de la divi- nité. Cependant nous devons nous souvenir que les anciens attachaient une grande importance aux particularités de leur culte ; le moindre geste, les moindres délails de costume ou d’allitude en usage dans les cérémonies pieuses, leur paraissaient avoir eu, dans l’esprit des fondateurs, hommes ou dieux, une signitication mystérieuse, Interpréter les choses du culte et de la religion, était l’œuvre des philosophes et des sophistes ; Apollonius, dont Philostrate a raconté la vie, n’était pas moins célèbre pour son éloquence, ses leçons el ses miracles que pour sa compétence dans les matières divines ; la théologie ancienne n’était guère que la connaissance des symboles, Si


(1) Voir Preller, G. M, 1, pe 283.

(2) Philostrate dit des jeunes filles +ès à yetpas ürslas ümoxtwüoas. Panofka (Ann. del’Inst. 1830, 324)traduit abaissant leurs mains ouvertes. Ce serait le geste indiqué en latin par sus- cipere puerum. Getie explication est aussi inutile que subtile. Les jeunes filles élevaient les mains renvérsées, supinas #anus, pour prier comme celles du bas-relief.