Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/390

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ilreplie le bras, dans l'attitude des figures qui dorment. Comme l'Hippolyte de Philostrate, il aurait pu dans cette situation, avant de rendre le dernier soupir, jeter un regard de pitié sur ses propres blessures, si la sculpture avait rendu les morsures du monstre ou les déformalions de la chute. D'ailleurs entre ces deux bas-reliefs et notre peinture, outre la différence de genre, il y a encore une grande différence de sentiment et de conception. Pour les anciens artistes comme pour les anciens poètes, la mort d'Hippo- lyte, quoique injuste, est l’œuvre de deux divinités : Poseidon lié par sa promesse se fait l'exécuteur d’un châtiment qu'il réprouve; Aphrodite pour- suit la vengeance de dédains qui l'outragent. La fatalité, la puissance pater- nelle, la colère d’une déesse implacable, la conscience étroite d’un dieu brutal: tout conspire pour opprimer l'innocence. Notre pitié s'accroît de la terreur qu'un pareil spectacle est bien fait pour nous inspirer, en nous mon- trant ce qu'il y a d'inévilable et d’inique dans le cours des choses humaines, ce qu'il y a d'odieusement funeste, non dans nos propres passions, mais dans celles des autres. L'art antique de la belle époque paraît avoir tenu à conser- ver ce caractère à la mort d'Hippolyte. Sur une des urnes de Chiusium ({) une femme portant une torche et qui ne peut être prise que pour une Erinnys ou Lyssa, personnifie soit l'imprécation meurtrière de Thésée contre son fils, soit la rage que Poseidon et Aphrodite soufflent au monstre marin; sur l’autre bas-relief (2), outre cette même furie qui ici s'éloigne triomphale- ment du lieu de la scène, nous apercevons Athénâ, reconnaissable à son casque; la déesse tient un glaive, comme les compagnons d'Hippolyte. Quel est son rôle? Ilest assez malaisé de le définir; en tout cas elle rappelle Thésée dont elle est la protectrice. Jetons maintenant les yeux sur une peinture de vase qui représente Hippolyte debout sur son char et le taureau sortant des flots (3); un démon féminin, vètu d'une tunique courte, les bras | entourés de serpents, une torche à la main, s'élance au devant des chevaux; au-dessus de cette scène, on aperçoit le dieu Pan avec le pédum et la syrinx, Apollon avec l'arc et la branche de laurier, Athénà avec l’épieu etle bou- clier, Poseidon avec le trident, Aphrodite groupée avec Eros; le spectateur est averti; les dieux contemplent la scène ; les uns ont envoyé la Furie, déchaîné le taureau; les autres pleurent Hippolyte ; tous jouent un rôle dans l la catastrophe. Dans la peinture décrite par Philostrate les divinités de l'Olympe ont cédé la place à des figures allégoriques ; de la légende l'artiste semble n’avoir retenu que le dénouement, non les causes qui l'ont amené: il l'a épurée en quelque sorte, en écartant tout ce qui la rendait terrible et mystérieuse; mais cette épuration est un amoindrissement; au lieu d’arriver




(1) Micali, pl, XXXIIT.

ê (2) Jbid. pl. XXXI (Voir notre gravure.)

ê (3) dreh. Zeit., p. 245 ; Kærte, über Personnificntion psych. aff. in. d. sp. Vasemalerei p. 36)