Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/411

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un poignard dont elle s'était depuis longtemps munie, se frappe et posant la tête sur la poitrine de son mari elle expire. » Xénophon, comme on le voit, est plus précis que Philostrate ; sans doute le rhéteur qui est devant le tableau oublie de mentionner ce qui ne saurait échapper à l'observation du spectateur; Xénophon, au contraire, voulant peindre pour l'imagi- nation entre dans des détails qu’un lecteur ne saurait deviner de lui-même. Etait-ce bien là cependant l'attitude de Panthée et d'Abradate dans le ableau? Ce qui pourrait nous inspirer quelque doute à cet égard, c'est que dans Xénophon, Panthée a paré son mari de ses riches accoutrements, sans doute après lui avoir enlevé son armure de guerre, landis que dans le tableau Abradate a encore sa cuirasse et son casque: en tout cas, si l'on suppose que Panthée avait jeté ces précieuses étoffes sur l’armure elle- même, elles ne devaient pas avoir été reproduites par le peintre, puisque Philostrate ne les décrit pas. L'artiste s'était donc écarté sur certains points du récit de Xénophon ; pourquoi l'aurait-il suivi pour l'attitude ? nous croyons néammoins qu'il ne faut pas attacher trop d'importance à ce raisonnement : le passage de Xénophon était célèbre et classique dans l'antiquité ; l'atti- tude de Panthée mourante devait être gravée dans toutes les imaginations ; un peintre pouvait négliger certains détails de la description de Xénophon ; il lui était difficile de grouper Abradate et Panthée autrement que l'écrivain.

Xénophon décrit encore plus amplement que Philostrate le costume d'Abradate (1). «Il allait endosser sa cuirasse de lin, vêtement national, lors- que Panthée lui présente un casque d'or, des brassards et de larges bracelets du même métal, une tunique de pourpre plissée par le bas, descendant jus- qu'aux talons, et un panache de couleur hyacinthe, » La peinture avait sans doute conservé à Abradate, non seulement les pièces de cette armure que mentionne le rhéteur, mais encore toutes celles qu’énumère Xénophon. Le corps était sans doute sillonné de larges blessures. Dans Xénophon, Cyrus, s’approchant d’Abradate, lui prend la main qui se détache ettombe ; car les Égyptiens lui avaient coupé le poignet. Peut-être le peintre n’avait-il pas négligé ce détail ; ce serait une de ces mutilations que Philostrate attribue à la machæra. Quant à Panthée, elle était vètue sans apprêts, dit le rhéteur ; cette remarque était nécessaire, car on aurait pu croire qu’en sa qualité de Lydienne, elle portait comme Rhodogune, dans un tableau précédent, la robe de pourpre serrée autour de la taille par une élégante ceinture, tombant jusqu'aux genoux, agraffée sur les bras, et des anaxyrides brodées. La simplicité dans le vêtement semble indiquer le costume grec, c'est-à-dire, le chiton.

Deux autres personnages, Eros et la Lydie, étaient groupés avec Panthée et Abradate. Philostrate ne dit rien de l'attitude d'Eros; Welcker a conclu de ce silence que ce dieu n'était peut-être pas représenté. Philostrate aurait

(1) Cyr, VE, 4e