Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/413

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lostrate pour parler de tous ces objets laisse quelque indécision dans l’esprit : on dirait qu’il veut rappeler le récit de Xénophon plutôt que décrire le tableau ; nous ne voyons pas cependant pourquoi l’artiste aurait dédaigné ou n’aurait pu exécuter un pareil fond de tableau. Welcker prétend encore que Cyrus n’amenait pas vers Abradate un char tout chargé de sable d’or ; il pense que Philostrate ne parle de ces offrandes funèbres que pour les opposer à l’offrande que Panthée fait d’elle-même : il ajoute que pour représenter Cyrus apportant des présents, il eût fallu montrer aussi un bûcher, des funérailles, que c’eût été là un autre moment de l’action, un autre sujet.

Toutes ces raisons ne nous paraissent pas décisives. Dans Xénophon, au moment où Panthée se donne la mort, Cyrus songe à honorer la mémoire d’Abradate. Pourquoi le peintre n’aurait-il pas mis à profit ce détail pour ajouter à l’intérêt que nous inspirent Abradate et Panthée elle-même ; Abradate ainsi honoré par le roi, Panthée qui aurait trouvé dans la générosité de Cyrus tant de raisons de ne pas mourir ? D’ailleurs Cyrus, la ville, les captifs, le charriot, s’ils étaient représentés, ne devaient apparaître que dans le lointain, et par suite ne détournaient en rien l’attention du groupe principal.



X

Cassandre.


Des personnages gisant çà et là dans une salle de festin, le vin et le sang mêlés ensemble, des hommes mourant près des tables, ce cratère repoussé du pied par un convive dans les convulsions de l’agonie, une jeune fille en robe de prophétesse, les yeux fixés sur une hache qui va tomber sur elle : tout indique le retour d’Agamemnon après la guerre de Troie et l’accueil qui lui est fait par Clytemnestre. L’ivresse de tous est si profonde qu’Egisthe lui-même s’est enhardi à frapper ; quant à Clytemnestre, elle a prudemment enveloppé Agamemnon d’un voile sans issue et l’a frappé d’une de ces haches à deux tranchants qui servent à couper les arbres de haute taille ; puis avec cette même hache, chaude encore, elle tue la fille de Priam qui avait eu le tort de paraître belle aux yeux d’Agamemnon, et qui chantait des oracles mal écoutés. À ne considérer que le sujet, ce sont là, mon enfant, de bien grands forfaits accomplis en peu de temps ; si nous examinons la peinture, mille objets frappent nos yeux : voici les lampes qui dispensent la lumière (car tout cela se passe pendant la nuit) ; voici les cratères d’or plus resplendissants que le feu ; voici les tables chargées de mets telles qu’elles étaient dressées pour les héros ; mais aucun de ces objets n’est à sa place. Les uns ont été foulés aux pieds par les convives, les autres ont été mis en pièces, les autres rejetés au loin ; les mains ont abandonné les coupes pleines de sang pour la plupart. Tous ces hommes meurent sans défense, car