Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/416

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sans doute par l'artiste mais qui peut paraître rappeler le banquet où le meurtre s'est accompli. Une furie étrusque, un esclave effrayé, complètent cette composition. Egisthe et Clytemnestre jouent le mème rôle, sont armés de la mème manière surun autre sarcophage (1); mais Agamemnon est couché sur un siège garni de riches coussins au lieu de poser le genou sur un autel; il n'est point enveloppé d’un filet, mais il a le bras droit entouré d'une draperie qui est là, disent les archéologues, pour rappeler le tissu funeste, le filet d'enfer suivant l'expression d'Eschyle (2). Ces deux dernières compositions ont donc cela de commun avec notre tableau qu'elles nous montrent « l'étoffe sans issue » jelée par Clytemnestre sur Agamemnon. Tout le reste d’ailleurs dif- fère tellement et de notre tableau et du récit soit homérique, soit tragique, qu'on serait presque tenté de croire à une erreur des archéologues. Nous ne savons même pas si le filet était posé dans notre tableau comme sur l'un ou l'autre des monuments étrusques que nous avons décrits. Nous croirions volontiers qu'Agamemnon gisant à terre était enveloppé de cette étolfe comme d’un linceul. En effet le véritable sujet n’est point la mort d'Aga- memnon, mais bien celle de Cassandre; il n’y avait donc point d'inconvénient à dérober le héros aux regards du spectateur. Toutefois, si Agamemnon semblait pleurer plus sur Cassandre que sur lui-même, si ce détail n’est point inventé par Philostrate, le visage devait être découvert, et la composition conservait son unité, puisque l'expression même de l'illustre victime de- vait ajouter à la compassion du spectateur pour Cassandre.

Philostrate nous décrit suffisamment l'attitude de Clytemnestre et celle de Cassandre. Clytemnestre était sans doute, comme toutes les femmes grec- ques, vêtue du chiton ; elle ne devait point porter le peplos ou manteau qui aurait gèné ses mouvements. Les femmes qui brandissent une hache, sur les monuments figurés, ont quelquefois des tuniques brodées ou ornées de fran- ges et parsemées d'étoiles ; mais c'est presque toujours leur seul vêtement. Quant à Cassandre, en sa qualité de prêtresse (3), elle était peut-être revêtue d'un manteau par dessus sa tunique, et d'un voile qui lui couvrait la tète et flottait sur le dos ; une couronne était peut-être posée sur sa Lète, une ban- delette ornait ses cheveux, ou plutôt elle venait de se dépouiller de ses insi- gnes, surtout de ses bandelettes qu’elle tendait, avec ses mains, vers Aga- memnon, comme pour le mettre sous la protection d'un sacerdoce qui ne la protégeait pas elle-même, C'était là sans doute un geste pathélique ; nous croyons cependant que la Cassandre d'Homère est plus naturelle quand elle porte ses mains au devant du coup qui la menace. Un commentateur a cri- tiqué le mouvement de Cassandre dans le tableau, sous prétexte qu'il ne peut s'expliquer que par un transport d'amour, et que dès lors, Clytemnestre

{1) Overb., Die Bildw., 693, 6.

(2) Agam., 1602.

() Helbig, Wandg., n° 1594 ct suiv., 1991 et suiv. Cf Raoul Roch., Choix de peint de Pompei, pl. XXV, viga. XV, p. 294 et suir. :