Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/426

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son talent poétiqne ; mais Plutarque oublie que Pindare avait appelé Pan le choreutès teleôtatos (1), c'est-à-dire le maître de chœur parfait, le danseur et le musicien par excellence (2) ; enfin on avait supposé qu'à la naissance de Pindare les cymbales et le tambour de Rhéa avaient dû retentir, et que Pan, qui est aussi un dieu prophète, avait célébré par des chants ct des dan- ses le premier jour d’un enfant destiné à devenir son adorateur et son poète préféré.

La douceur du langage poétique égale celle du miel, du lait ou du nectar ; ce sont là des comparaisons fréquentes chez les anciens, et que nous retrou- vons sous toutes les formes. Simonide était appelé Mélicertés (3). Suivant une épigramme funéraire composée par Simonide en l'honneur d'Ana- créon (4), ce poèle, même dans le silencieux séjour des morts, ne cessait pas de faire résonner sa lyre et de moduler des chants aussi doux que le miel. Pour une imagination grecque, les abeilles n'abandonnent pas les poètes, mème après leur mort: « Que toujours ta tombe, à divin Sophocle, dit une autre épigramme (5), soit arrosée des libations de leur miel, afin qu'une cire éternelle parfume tes tablettes altiques. » Sur la tombe d'Hésiode, les chevriers apportent du lait mêlé avec du miel : « Le vieillard n’avait-il pas, en effet, dit le poète, chanté des vers aussi doux que le miel et le lait, lui qui s'élait abreuvé aux pures sources des neuf Muses (6. » Christodore, décrivant une statue d'Homère, voit une abeille voltiger sur ses lèvres et y distiller son miel (7). Les abeilles, racontaient les Grecs, s'étaient posées sur la bouche de Platon enfant, qui devait être aussi harmonieux dans la prose que les plus grands poètes dans leurs vers. Pindare venait de naître, dit Christodore, des abeilles, se posant sur ses lèvres, distillèrent leur miel, témoignage de ses poéliques destinées (8) et en effet, selon une épigramme, on pourrait affirmer, en entendant ses vers, qu'un essaim d'abeilles les a composés dans la cité de Cadmus (9). Quoi d'étonnant, dès lors, si l'art, s'emparant de la tradition, a voulu nous montrer l'abeille, « la blonde ouvrière qu’on prendrait pour une muse », au moment même où elle communique à l'enfant qu'elle a choisi entre tous le don de l'harmonie et de l'inspiration poétique ? Mais, dit un commentateur, c’est là un rôle symbolique qui devient énigma- tique et choquant, dès qu'au lieu d'être présenté en vers à la seuleimagination,


(1) Dans Arist., & I, p. 49, df.

(2) Voir l'épigr. d'Antipater sur Pindare, Anth. de Planude, 305. Antipater fait l'éloge de Pindare, on rappelant que le dieu du Ménale, oubliant sa musette pastorale, a chanté un des hymnes du poète.

(3) Schol., Vesp., 1402.

(4) Anth. pal., VI, 25

à) Anth. pal., épigr. d'Erucius, VI, 36.

Ep. d'Alcée, 4. Pal., VII, 55.

(7) Anth. pal., M, 342. (8) Zbid., V, 385. (9) Jbid., VI, 34.