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Pindare eût eu pour Rhéa le culte qu’il lui avait voué. Si Philostrate avait décrit un tableau semblable à celui de Schwind, c’est alors qu’on en aurait pu mettre en doute l’authenticité[1].

Philostrate, en énumérant les différents objets et personnages du tableau, ne nous dit point quelle est la place de chacun d’eux. Si l’on veut essayer de suppléer à son silence, nous placerions volontiers l’enfant et par suite la porte de Daïphantos, tout à fait sur le premier plan, puisque le spectateur pouvait non seulement distinguer les abeilles, mais compter pour ainsi dire les nuances de leur corsage changeant. La statue de Rhéa s’élevait sans doute en avant de la porte, entre celle-ci et le berceau ; la maison elle-même représentée en tout ou en partie devait occuper un des côtés de la composition, afin de laisser la place nécessaire aux nymphes et à Pan. Le Pan et les Nymphes formaient un chœur, sans doute à peu de distance du berceau, puisque Philostrate distingue si bien l’expression du dieu Pan.

Placée sur le vestibule de Daïphantos, la statue de Cybèle devait être assise, si elle ressemblait à celle que Pindare avait fait placer dans le temple qu’il avait dédié à la Grande-Mère. Pausanias[2] nous apprend en effet que cette statue, œuvre d’Artémidoros et de Socrate, était de marbre pentélique comme son siège. Quant à ses attributs, portait-elle la couronne murale ou le modius ? Voyait-on des lions debout à ses côtés ou blottis dans son sein ? Avait-elle tout simplement, comme dans telle peinture de Pompéi[3], la main droite appuyée sur un sceptre, la main gauche sur un Lympanon ? On peut choisir entre ces conjectures.



XIII

Les Gyres.


Sur ces rochers dominant les flots et battus par la vague écumante, se tient un héros au regard terrible et qui paraît comme courroucé contre la mer, C’est le Locrien Ajax. S’élançant de son navire frappé par la foudre et enveloppé par les flammes, il s’est jeté au-devant des vagues, nageant à travers les unes, glissant sur les autres, refoulant les autres de chaque côté par l’effort de sa poitrine. Ayant atteint les Gyres, rochers qui s’élèvent au milieu de la mer Egée, il se répand en orgueilleuses imprécations contre les dieux ; sur quoi Poseidon lui-même s’avance contre les Gyres, l’épouvante de la tempête répandue sur ses traits, la chevelure hérissée. Cependant il combattait autrefois avec le héros locrien contre Ilion, mais alors celui-ci avait des sentiments modestes et se gardait d’offenser les dieux. Au lieu donc de lui communiquer comme jadis

  1. Musée de Carlsruhe ; voir Kunstbl., 1845, p. 174.
  2. Paus., IX, 25, 3.
  3. Helbig, Wandg., 1158.