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mais c’est une erreur : la contrée est celle des Thessaliens. Si les Égyptiens en effet sont redevables au Nil de leur pays, le Pénée autrefois ne permettait pas aux Thessaliens d’avoir une contrée, toutes les plaines étant environnées de montagnes et inondées par le fleuve qui ne trouvait point d’issue. Poseidon frappera la montagne de son trident et ouvrira les portes au fleuve ; le moment choisi est précisément celui où le dieu s’efforce de dégager les plaines. La main qui doit frapper est déjà levée ; mais les montagnes, avant de recevoir le coup, s’entr’ouvrent laissant entre elles un passage suffisant pour le fleuve. L’effort du dieu est rendu d’une manière frappante ; le côté droit se ramasse sur lui-même et se porte en avant tout à la fois ; si bien que Poseidon menace non pas tant de la main que du corps tout entier. Ce n’est point ici le dieu azuré, le dieu de la mer ; c’est le Poseidon de la terre ferme. C’est pourquoi il aime à voir les plaines parfaitement unies et spacieuses comme la mer. Le fleuve aussi se félicite et semble s’enorgueillir ; appuyé sur le coude (les fleuves n’ont point l’habitude de se tenir debout), il soutient le Titarèse dont les eaux sont plus légères et plus douces, et s’engage vis-à-vis de Poseidon à s’épancher hors des plaines en suivant la route qui lui est ouverte. Emergeant à mesure que les eaux s’abaissent, la Thessalie se couronne d’oliviers, d’épis, et caresse un poulain d’apparition récente comme elle-même, présent de Poseidon ; en effet la terre fécondée par le dieu endormi doit enfanter un cheval.



Commentaire.


Autrefois, disent les géographes anciens[1], la Thessalie offrait l’aspect d’un vaste lac entouré de montagnes. Un tremblement de terre sépara l’Olympe et l’Ossa, et forma la célèbre vallée de Tempé, par laquelle se précipita, pour se jeter dans le golfe Thermaïque, un nouveau fleuve, le Pénée, grossi de nouvelles rivières qui lui amenèrent toutes les eaux de la Thessalie.

Pour les poètes et l’imagination populaire, c’était Poseidon qui avait, d’un coup de trident, ouvert une brèche dans la ceinture des montagnes thessaliennes. Rien n’était plus naturel que d’expliquer un phénomène physique de cette sorte par une semblable intervention de la divinité. Poseidon, dans Homère, est le dieu qui ébranle la terre ; divinité marine, il est aussi le dieu des plaines qui ressemblent à la surface unie des mers ; enfin, Poseidon, qui était lui-même un cavalier infatigable, un dompteur émérite, passait pour avoir donné aux hommes le premier cheval, soit qu’il l’eût fait sortir de terre d’un coup de trident, soit que la terre fécondée par le dieu, comme le

  1. Strab., IX.