Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/445

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fant, est représenté sous la figure d’un dieu ; il repose sur la terre, les yeux tournés vers le ciel, et comme dans la nature, semblable à un pont jeté entre deux mers, il sépare l’Adriatique et la mer Egée. À sa droite se tient un jeune homme, Léchæon, j’imagine ; ces jeunes filles à gauche sont peut-être les Cenchrées ; voici enfin, assises près de la terre qui représente l’Isthme des Thalattai (mers) unissant la beauté à une sérénité profonde.



Commentaire.



Ce Lableau contient un assez grand nombre de personnages auxquels il serait malaisé peut-être d’assigner une place précise dans la composition. Il nous semble, d’après la description de Philostrate, distinguer deux groupes principaux, d’un côté, les personnages allégoriques, l’Isthme, le Léchaeon, les Cenchrées, les Thalattai avec Poseidon ; de l’autre, les Corinthiens, réunis sous la présidence de Sisyphe, leur roi, pour offrir un sacrifice à Poseidon, ou à Mélicerte. Mais, outre ces personnages, il est question d’un téménos ou enceinte de Poseidon, d’un adyton ou sanctuaire de Palæmon. Welcker plaçait cette enceinte à gauche, et dans cette enceinte d’abord le sanctuaire du jeune dieu, puis le temple qui occupait ainsi à peu près le milieu de la composition : Poseidon était debout à la porte de son temple la tête tournée vers Isthmos. Cette ordonnance prête à quelques objections : d’abord Philostrate ne parle point d’un temple de Poseidon, mais bien d’un téménos ; quant au sanctuaire qui s’ouvre au moment même dans l’Isthme pour recevoir Mélicerte, il est plus naturel, ce semble, de le placer tout près du dieu qui représente l’isthme, c’est-à-dire du côté des figures allégoriques. On pourrait même supposer, sans trop d’invraisemblance, que ce sanctuaire n’était point représenté dans la peinture ; à l’approche de Palæmon, dit Philostrate, il se forme par rupture comme un adyton dans l’isthme, la terre s’étant entr’ouverte sur l’ordre de Poseidon. Est-ce bien une caverne creusée dans les falaises du rivage que décrit ainsi le rhéteur ? Ne désignerait-il pas plutôt une ouverture du sol par laquelle on descendrait à un sanctuaire de Palæmon ? L’adyton de ce dieu, suivant Pausanias, était un souterrain. Sans doute le peintre n’était pas obligé, en représentant l’isthme de Corinthe, de se conformer scrupuleusement à la vérité géographique ; mais il pouvait aussi supprimer sans inconvénient l’image du sanctuaire destiné à Palæmon. Quant au passage de Philostrate sur ce sanctuaire, il faudrait le considérer comme faisant partie du récit et du commentaire, non de la description. Nous ayons déjà eu l’occasion de remarquer que souvent Philostrate semble décrire encore, quand il se borne à rappeler les circonstances de la légende que le peintre a pu reproduire. Enfin si l’escarpement de la côte offrait une espèce de grotte aux yeux des spectateurs, il était difficile, comme le veut Welcker, de placer le peuple de Corinthe à l’entrée ou, comme il le dit, au-dessous de