Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/456

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- convenir au dieu, en tant qu'il surveille l'empire de la mer; mais le texte de

rencontre sur des gemmes et des monnaies (1), est celle qui semble le mieux

Philostrate n'autorise point expressément cette supposition de Heyne. Un rocher élevait ses pointes vers les nues; c'était un observatoire pour Posei- don Panoptès, remarque Philostrate; mais Poseidon pouvait être absent do son observatoire.

Le Poseidon laboureur n’est point une conception qui doive nous sur- prendre, D'autres noms, donnés au dieu, par exemple celui de pAytalmios, nourricier, indiquent assez que les anciens le regardaient comme le dispen- sateur des biens de la terre. Ce qui peut paraître plus étrange, c’est l'union étroite de deux attributs dissemblables ; il n’est pas rare de rencontrer Nep- tune debout sur une proue, ou tenant à la main un aplustre, cette partie de la poupe ancienne ; nulle part le navire ou le fragment de navire qui porte Poseïdon ne se termine par un soc ou par un timon de charrue. C'est à, il faut l'avouer, une idée singulière qui a pu tenter un artiste comme elle a souri à Philostrate, mais qui n’en est pas moins plus ingénieuse que pittoresque,

Jupiter lançant la foudre est représenté sur mainte œuvre d'art; mais ce qui est rare, sinon tout à fait introuvable, c'est de le voir enveloppé d'un nuage. On comprend très bien cependant l'emploi de ce nuage en peinture; le ciel est couvert quand Jupiter s’arme de la foudre ; la foudre même « étant composée, comme dit le poète (2), de trois rayons d’une grèle épaisse, de trois d'une nuée orageuse, de trois d’un feu ardent et de trois d’un feu rapide, » il n’est pas surprenant qu’elle dégage autour d'elle une fumée semblable à un nuage. Selon Philostrate, ce nuage est là pour indiquer qu'il s'agit d'un fait passé; un brouillard en peinture servirait de séparation entre deux moments de la durée; de même que par l'éloignement dans l’espace les objets cessent d'être distincts, de même en leur faisant perdre quelque chose de leur net- teté, on peut les éloigner dans le temps. L'explication nous paraît plus ingé- nieuse que naturelle. Toutefois il n’est pas impossible que Philostrate ait raison; nous savons quelle large place l'art antique fait à la convention; si une convention nous semble trop osée, si elle est sans exemple, ce ne sont pas des motifs suffisants pour prononcer qu'elle a été inventée par un rhé- teur, non par un artiste. A l’aide de la’ prolepse ou de l’anticipation, l'art grec ouvre quelquefois une perspective sur les conséquences lointaines de la scène qu'il représente. Pourquoi à l’aide d'un procédé analogue, ne mettrait- il pas sous les yeux des circonstances dont le sujet qu'il a choisi n'aurait dù que réveiller le souvenir dans l'esprit du spectateur?

On ne saurait dire d’après le texte de Philostrate si l'artiste avait repré- senté le géant foudroyé et Poseidon ébranlant la terre de son trident. En sup-

(1) Voir par ex. une médaille de Démétrios Poliorcète, Mionnet, Deser., I, 580-847, Overb.,

Griech. Kunstm., Poseidon, p. 293, n° 2, et une médaille d'Adrien, Overb., Ibid ,n° 3. (2) Virg., Æneid., VIIT, 429.