Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/458

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phoques rangés autour de Protée ? Ce serait là une conjecture hardie; Protée le dieu marin, le dieu qui mène paître les phoques et les dauphins, troupeau de Poseidon, Protée, berger de l'océan, a naturellement sa place dans un tableau qui représente, comme le nôtre, un paysage maritime (1). Si nous avions une conjecture à faire, plutôt que de nier sa présence, nous suppose- rions volontiers qu’il était entouré de monstres marins dans le tableau, et que c’est précisément ce groupe qui à donné lieu à Philostrate de comparer plus haut les mouettes aux phoques et l’alcyon à Protée.

A l'extrémité de cette même île, le peintre avait représenté des construc- tions sans doute étranges et fantastiques, comme celles qu'on rencontre par- fois dans les peintures campaniennes ; le sophiste en effet ne paraît pas trop savoir s’il doit les appeler une ville ou un palais. Apercevant des enfants qui se livrent à des jeux non communs, il prend le parti de dire que décidément nous avons sous les yeux un palais, et dans ce palais, un enfant de race royale et ses compagnons. Tout ce petit tableau de genre que décrit ensuite Philos- trate est bien composé d'éléments antiques et bien conçu dans l'esprit de l'antiquité. On sait combien les animaux susceptibles d'être apprivoisés, les chiens, les singes, les lièvres mêmes, étaient recherchés par les anciens. La maison du Complaisant de Théophraste est toujours remplie de mille choses curieuses qui font plaisir à voir ou que l'on peut donner, comme des singes, des chiens de Laconie, des pigeons de Sicile, etc. (2).» Lucien ra- conte deux fois cette histoire du singe de Cléopâtre qui dansait excellemment, mais qui un jour oublia la cadence et arracha son masque pour courir après des noix jetées sur le sol (3). La comédie nouvelle est pleine d'allusions aux singes nourris dans la maison. Démiphon, dans le Marchand de Plaute, rève qu'il vient d'acheter une chèvre et qu'il en confie la garde à un singe (4). Dans le Soldat Fanfaron, tel personnage se promenant sur les toits pour re- garder dans l'intérieur des maisons, prétend être à la recherche d'une poule, d'un pigeon ou d’un singe échappé (5)! On a retrouvé de pelils singes en terre cuite dans des tombes d'enfants (6). Dans une peinture campanienne, un enfant armé d’un fouet fait danser un singe. Quant aux chiens de Milet, on les reconnaît souvent sur les peintures de vases « à leur petite taille, à leur museau pointu, à leurs oreilles droites, à leur queue relevée et touffue (7)».


{1) Cf. une peinture d'Herculanum (Pitt. d'Er., M, 39) qui représente Protée, berger de la mer.

(2) Théoph., ch. v.

(3) Lucien, Apologie pour ceux qui sont aux gages des grands, 5 et Pécheurs, 36.

(4) On sait que les comédies latines sont des traductions ou imitations des comédios grecques. L'imitation ya même beaucoup plus loin qu'on ne le pense communément ; nous nous propo- sons de le montrer un jour.

(5) Mercator, IL, 1. — Miles Gloriosus, I, ?, 1, et ailleurs.

(6) Arch. Zeït., 1866, pl. CXVIT. Cf. sur toute cette question des animaux apprivoisés, le Dict. des antiq. de Saglio et Daremberg, p. 692 et suis. Nous avons emprunté quelques traits au savant article de MM. Gougny ot Saglio.

(7) Mème diction.