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À ces exemples il faut ajouter un fragment de coupe découvert à Blisnitza[1].



XIX

Phorbas.


Ce fleuve, mon enfant, est le Céphise, celui de Béotie, un favori des Muses, lui aussi ; sur ces rives tu vois les tentes des Phlégyens, peuple barbare qui n’a point encore de ville. De ces deux personnages qui combattent à coups de poings, l’un est Apollon, je pense, l’autre Phorbas élu roi par les Phlégyens, comme le plus grand entre eux tous et le plus cruel de cette nation. Apollon en est venu aux mains avec lui pour ouvrir le passage, car Phorbas occupant la voie qui conduit directement en Phocide et à Delphes, personne n’offre de sacrifice dans Pytho, personne ne paie au dieu le tribut des péans ; prophéties, oracles, voix du trépied, tout est délaissé. Le brigand est posté à l’écart des Phlégyens ; tu vois ce chêne, c’est sa demeure ; c’est le palais royal où il reçoit les Phlégyens rassemblés pour rendre la justice. Les vieillards et les enfants qui se rendent au temple, Phorbas les saisit, les envoie au campement des Phlégyens pour y être dépouillés et rançonnés ; quant aux hommes robustes, il les force à joûter avec lui ; il terrasse les uns à la lutte, devance les autres à la course, est vainqueur au pancrace comme au disque ; puis coupant les têtes de ses victimes, il les suspend à son chêne et vit sous ces dépouilles sanglantes qui se balançant aux branches distillent la pourriture. Tu aperçois ces têtes ; celles-ci sont desséchées ; celles-là sont récentes ; en voici d’autres dont le crâne est à nu, qui entrebâillent les dents et qui paraissent gémir, traversées par le souffle du vent. Pendant que Phorbas s’enorgueillit de ces triomphes dignes d’Olympie, Apollon se présente dans l’appareil d’un jeune pugil ; le dieu se reconnaît d’ailleurs à sa longue chevelure rattachée par une bandelette, afin de combattre, pour ainsi dire, la tête armée à la légère ; des rayons s’échappent de ses yeux, ses joues se contractent à la fois par l’effet du sourire et de la colère ; le regard perçant vise au but avec justesse et s’élève avec les mains elles-mêmes, ses mains sont enlacées dans les courroies ; elles seraient plus belles si elles étaient chargées de couronnes. La lutte est déjà terminée ; la main assénée avec force conserve encore la position qu’elle a prise pour le coup décisif ; le Phlégyen couvre le sol de son corps, le poète dira sur quelle étendue. La tempe est ouverte, et le

  1. Stéphani, Compte rendu de la Commission arch. de Saint-Petersb., 1866, p. 82.